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Mort d’une héroïne
lundi 19 janvier 2015, par
Nous apprenons avec une grande tristesse, le décès de Jacqueline Guerroudj, héroïne de la Révolution algérienne et doyenne des condamné(e)s à mort du colonialisme français.
Née à Rouen en 1919 dans une famille de la classe moyenne française, Jacqueline Netter (son nom de jeune fille) fut arrêtée par les Allemands, parce que juive, mais réussit à s’évader et à éviter le camp de concentration grâce à des militants communistes. Sa conscience sociale et son engagement sont nés là de sa révolte contre l’injustice de la barbarie nazie et se sont accentués lorsque, jeune institutrice à Négrier (aujourd’hui Chetouane), près de Tlemcen, elle fut confrontée directement à une autre injustice celle de l’exclusion et de la misère profonde que le colonialisme imposait au peuple algérien.
Avec son mari, Abdelkader Guerroudj, dit Djilali, lui aussi instituteur et communiste, elle s’engage pleinement dans la lutte de libération nationale, d’abord au sein du PCA (Parti communiste algérien), puis du FLN, après la signature de l’accord entre les deux organisations nationales qui prévoyait l’intégration des Combattants de la libération (CDL communistes) au sein de l’ALN. Condamnée à mort avec son mari et camarade de combat Djilali, elle opposa à une justice coloniale aux ordres, la sérénité de son beau sourire.
Après l’indépendance, alors que tant d’autres « combattants » de la dernière heure se ruaient sur les postes et les honneurs, et accumulaient les moyens de leur fortune d’aujourd’hui, Jacqueline reprit modestement ses fonctions d’institutrice de la République, puis accepta de diriger la bibliothèque de la faculté de Droit et des sciences économiques de l’Université d’Alger où des cohortes d’étudiants – dont certains deviendront plus tard ministres et hauts serviteurs de l’État, lui sont redevables de leur réussite universitaire.
Jacqueline Guerroudj n’a jamais quitté l’Algérie, son pays par le sang et les larmes versés, y compris pendant la Décennie sanglante quand les égorgeurs à la scie rouillée du FIS/GIA généralisaient la terreur à tout le peuple algérien, s’acharnant contre toutes celles et ceux qui représentaient la liberté de l’esprit et de son expression, en particulier quand ceux-ci et celles-là étaient d’une autre pensée, d’une autre origine ethnique ou d’une autre religion.
Mais Jacqueline n’en avait pas peur. Pas plus qu’elle n’avait eu peur des tortionnaires colonialistes. Elle savait qu’elle était aimée de son peuple d’où elle tirait sa force et son courage inébranlables. Et de fait, c’étaient toutes les petites gens de son quartier qui la protégeaient, avec efficacité, des tueurs de la régression islamiste qui assassinaient l’Islam de la fraternité.
Elle, c’était le progrès, la lumière, l’espoir d’une justice sociale pour tous et l’image d’une femme libre.
Repose en paix Jacqueline, la terre algérienne te sera légère, car tu la féconderas de tout l’amour que tu as porté à son peuple, à ton peuple.
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Djamel Khellef
19.01.2015
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Note : Jacqueline Guerroudj était l’auteure d’une « Méthode d’apprentissage de la lecture » et du livre « Des douars et des prisons » (Éditions Bouchène), où toujours modeste elle préférait mettre en avant le rôle de ses sœurs et frères de combat, plutôt que le sien propre.