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Qui bénéficie des milliards promis pour la reconstruction de Gaza ?

dimanche 19 octobre 2014

Palestinian President Mahmoud Abbas, left, meets Egyptian President Abdel-Fattah el-Sissi in Cairo

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Mahmoud Abbas, chef de l’Autorité Palestinienne et Abdel Fattah al-Sissi, le Président égyptien, lors de l’ouverture de la conférence des donateurs pour Gaza au Caire, le 12 octobre. (Ahmed Foad / MENA)

Une conférence de donateurs qui s’est tenue au Caire dimanche dernier pour la reconstruction de Gaza dévastée par la guerre a affiché un engagement total de 5,4 milliards de dollars de la part de différents gouvernements occidentaux et arabes.

En réalité, Israël est le véritable bénéficiaire de cette aide monétaire. La communauté internationale, ainsi qu’elle se proclame, a une fois de plus payé la facture de la reconstruction de même qu’elle arme Israël et l’assure de l’impunité qui ne fait que récompenser son assaut sur Gaza et garantit essentiellement sa répétition.

« C’est la troisième fois en moins de six ans, qu’avec les habitants de Gaza, nous avons été contraints de faire face à un effort de reconstruction »

a déclaré un John Kerry exaspéré à la conférence. C’est comme si, pour le secrétaire d’État américain, le bain de sang de cet été était tout sauf inévitable, vu tout l’armement prodigué à Israël ajouté à l’aide financière et à la couverture diplomatique déployées depuis les assauts d’envergure de novembre 2012 et de l’hiver 2008-2009.

Les participants à la conférence des donateurs ne font que l’effort minimum leur permettant de prétendre qu’ils donnent la priorité aux survivants de Gaza, alors que plus d’un sur mille des 1.800.000 Palestiniens de Gaza, dont la plupart sont réfugiés, a été tué.

L’Autorité palestinienne, basée dans la ville de Ramallah en Cisjordanie occupée, a déjà annoncé que la moitié des engagements financiers de la conférence de dimanche ne parviendra même pas à Gaza.

Les engagements pour Gaza détournés à Ramallah

Au contraire, ces fonds seront détournés vers le budget de l’Autorité palestinienne sur des postes non spécifiés.

Bien que l’AP n’ait pas dit comment elle va utiliser les fonds levés à la conférence pour la reconstruction de Gaza qu’elle s’est réservés, « le secteur de la sécurité s’est développé plus vite que n’importe quel autre domaine de l’Autorité palestinienne », au cours de la dernière décennie, ainsi que l’ont noté Sabrien Amrov et Alaa Tartir dans un document de politique générale publié par le think tank palestinien Al-Shabaka.

L’année dernière, 26% du budget de l’AP ont été consacrés à la sécurité (en comparaison des 16% pour l’éducation, 9% pour la santé et un minuscule 1% pour l’agriculture qui est historiquement la colonne vertébrale de l’économie palestinienne). 44% des fonctionnaires de l’AP sont employés dans le secteur de la sécurité – plus que dans tout autre, ont souligné Amrov et Tartir.

L’Autorité palestinienne – qui a déjà bloqué les efforts pour porter les crimes de guerre de Gaza cet été devant la Cour pénale internationale – est dirigée par Mahmoud Abbas, qui a récemment décrit la collaboration avec les forces d’occupation israéliennes en Cisjordanie comme « sacrée ».

L’AP se saisit de l’opportunité

Plus de quarante Palestiniens ont été tués par les forces israéliennes en Cisjordanie occupée depuis le début de l’année ; quatorze ont été tués pendant la même période en 2013. « La coordination de la sécurité » est de toute évidence concernée par la préservation des vies palestiniennes.

Ainsi que l’ont souligné Amrov et Tartir,

« la résistance armée naguère considérée comme inséparable de la lutte palestinienne pour l’auto-détermination, est traitée par l’AP comme une forme dissidente qui relève non simplement du contrôle mais de l’éradication et de la criminalisation. »

Le paradigme actuel de la coordination de la sécurité, disent Amrov et Tartir, « est de criminaliser la résistance contre l’occupation et de laisser Israël – et ses laquais – être seuls détenteurs de l’usage des armes contre une population sans défense.

Étant donné que l’Autorité palestinienne qui fonctionne comme la branche policière de l’occupation israélienne, se positionne elle-même comme l’opérateur de la reconstruction de Gaza, cette position sera certainement utilisée comme une opportunité par ceux qui veulent démanteler la résistance armée (qui a défendu Gaza et a fait preuve d’une plus grande discipline et d’une meilleure capacité tactique que dans toutes les confrontations antérieures avec Israël).

Bien que l’AP ait joué des coudes pour mettre le leadership du Hamas sur la touche à Gaza, toute tentative de reconstruction est soumise au final au pouvoir d’Israël.

(il vaut la peine de noter que l’Organisation de Libération de la Palestine a déclaré à l’Agence de presse Ma’an News dimanche qu’aucune date n’a encore été fixée pour démarre des projets de reconstruction à Gaza).

Rappelant aux observateurs qui est effectivement en position de responsabilité, des ministres de l’AP basés en Cisjordanie, dont le Premier ministre Rami Hamdallah se sont vu refuser par Israël des permis d’aller à Gaza où Israël impose une fermeture et un blocus économique, renforcés par la conférence des donateurs tenue en Égypte.

« Plus de 50 ans pour reconstruire »

l’Agence d’aide internationale Oxfam a mis en garde la semaine dernière sur le fait que l’argent promis à la conférence mondiale des donateurs

« va croupir sur des comptes bancaires pendant des décennies avant qu’il n’atteigne les gens, sauf à ce que les restrictions sur les importations imposées depuis longtemps par Israël ne soient levées ».

L’importation de matériaux de base pour la construction à Gaza ayant été interdite à quelques exceptions près depuis 2007 et les tunnels d’approvisionnement sous la frontière avec l’Égypte massivement détruits, les Palestiniens sont dans l’incapacité de reconstruire.

Oxfam a précisé que

« dans le cadre des restrictions et du rythme des importations actuels, il pourrait falloir plus de 50 ans pour construire 89 000 nouvelles maisons, 226 nouvelles écoles, de même que des équipements de santé, des usines, de l’assainissement dont les habitants de Gaza ont besoin.«  »

Quel que soit le montant levé auprès des donateurs internationaux pour la reconstruction, Israël détermine ce qui entre à Gaza et ce qui en sort.

L’Agence des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires note dans un récent rapport de suivi que des cargaisons de matériaux de construction apportés à Gaza le mois dernier étaient « destinées à des projets pré-approuvés par les autorités israéliennes et dont la mise en œuvre était confiée à des organisations internationales à Gaza ».

La main mise d’Israël sur l’économie de Gaza s’applique aussi aux exportations – les premiers camions transportant des biens à l’exportation depuis juin sont les deux seuls qui ont été autorisés le mois dernier à traverser la zone de contrôle commercial exercé par Israël.

Responsabilité ou complicité

Le BNC, le Comité Palestinien pour le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions, condamne le manque de pression significative sur Israël pour l’arrêt du blocus qui a mis à genoux l’économie de Gaza avant même les destructions perpétrées à Gaza cet été – au cours desquelles 419 locaux professionnels et magasins ont été endommagés et 128 complètement détruits.

Le BNC a déclaré dimanche que « les promesses des donateurs financiers n’exonèrent pas Israël de sa responsabilité dans les graves violations du droit international dont il s’est rendu coupable, dont des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, pas plus qu’elles ne rendent justice aux victimes palestiniennes.

La déclaration ajoute que

«  le blocus israélien et les assauts militaires répétés contre la bande de Gaza occupée font partie des efforts systématiques d’Israël pour séparer de façon permanente la petite bande de Gaza de la Cisjordanie et pour « se débarrasser » de sa population palestinienne nombreuse, composée principalement de réfugiés de la Nakba de 1948, dont les droits et les revendications sont restés sans réponse en Israël ».

Le BNC critique les agences internationales y compris celles des Nations Unies et le Comité International de la Croix Rouge pour avoir agi dans le cadre de la politique israélienne de séparation et de punition collective.

S’ils n’adoptent pas un embargo militaire global et contraignant sur Israël, les États donateurs, les agences internationales et les organisations non gouvernementales se rendent complices d’une politique injuste et illégale de punition collective ; c’est ce que le BNC exprime clairement. Et il n’y a pas de mécanisme de redevabilité envers le public palestinien.

Abandonner Gaza

Face à cette réalité, il est tragique mais non surprenant que de jeunes Palestiniens de Gaza, confrontés à un taux de chômage de 60%, aient perdu espoir et mettent leur vie entre les mains de passeurs dans une tentative pour se rendre en Europe et avoir un avenir.

« Cela ne s’est jamais encore produit… même aux pires moments, les gens n’ont jamais considéré la possibilité d’abandonner la bande de Gaza », a dit Sarah Roy, qui a étudié l’économie de Gaza pendant trente ans, lors d’un interview fait par Bettina Marx pour Deutsche Welle.

« La classe moyenne a été réduite à néant » a dit Roy.

Même le naufrage intentionnel d’un bateau transportant environ 500 passagers dont beaucoup de Palestiniens de Gaza qui sont donnés pour noyés pour la plupart, au large des côtes de Malte le mois dernier, n’a pas endigué la migration de masse de la bande de Gaza via les tunnels clandestins.

En août 2012 les Nations Unies ont publié un rapport sur la question de savoir si Gaza serait un lieu vivable en 2020. Mais dès aujourd’hui, Gaza est invivable.

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Par Maureen Clare Murphy

15.10.14

Traduction SF pour l’Agence Media Palestine

Source : Electronic Intifada


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