Ukraine : révolte spontanée ou guerre du gaz ?

vendredi 20 juin 2014

La révolte des ukrainiens, notamment ceux de Kiev et de la région était-elle un mouvement réellement spontané ?

Que des ukrainiens, à l’instar des peuples arabes qui ont mené une révolution printanière vite phagocytée par les islamistes, veuillent s’affranchir d’un président despote qui a accumulé une fortune sur leur dos, rien de plus naturel mais, leur souhait de quitter le giron russe pour intégrer l’Union Européenne ne leur a-t-elle pas été fortement suggérée par les barbouzes du clan occidental, européens et étatsuniens réunis ?

Cette récupération d’une partie stratégique de l’Europe en matière d’approvisionnement énergétique dans la communauté ouest-européenne n’est-elle pas liée à la guerre sans merci que se livrent des États pour s’emparer des principales routes du gaz dans le centre du continent mais aussi, de celles pouvant alimenter le continent asiatique ?

Beaucoup de questions et peu de réponses tant le sujet est complexe et en continuelle évolution en fonction des réactions politiques des protagonistes.

Depuis 2005, trois conflits ont opposé la Russie et l’Ukraine ; la société russe Gazprom a accusé l’Ukraine de profiter des tarifs avantageux consentis à un ancien pays de la sphère soviétique pour détourner une partie des approvisionnements transitant sur son territoire et de revendre le gaz à divers pays européens en encaissant les marges.

L’Ukraine ayant intégré l’économie de marché, les russes ont, pour sanctionner la pratique du détournement, décidé d’augmenter les prix de vente du gaz provoquant ainsi un fort endettement pour ce pays qui a rechigné à l’honorer. Ce conflit a généré des restrictions d’approvisionnement en direction de l’Europe de l’ouest très dépendante du gaz russe.

Ainsi, en janvier 2009, plusieurs pays de l’UE n’ont pas reçu de gaz en provenance de Gazprom, dont :

la Hongrie (dépendante à 65%), la Grèce (81%) et la Bulgarie (90%).

quatre pays des Balkans ne reçoivent plus rien : Croatie, Bosnie-Herzégovine, Serbie et Macédoine,

la Pologne, l’Autriche, la Slovaquie, la Slovénie et la Roumanie ont subi d’importantes baisses de volume.

Les pays d’Europe occidentale sont aussi touchés :

la France a subi une baisse de plus de 70% (mais elle ne dépend qu’à hauteur de 15% du gaz russe) et l’Italie de 90%. Ce dernier pays dépend essentiellement du gaz en provenance de Russie et d’Algérie pour son énergie et il risque de se trouver en difficulté avec l’abandon du projet GALSI qui devait renforcer son alimentation en acheminant le gaz algérien par gazoduc sous-marin via la Tunisie et la Sardaigne.

Bien avant que ces conflits éclatent entre la Russie et l’Ukraine des pays européens, consommateurs de gaz, avaient envisagé de construire le gazoduc Nabuco devant relier le champ gazier de la mer caspienne afin de s’affranchir de leur dépendance au gaz russe, projet commercial enterré avec la construction par les russes, en association avec d’autres partenaires, de deux gazoducs :

le Nord stream composé actuellement de deux canalisations, l’une inaugurée en 2011, l’autre en 2012, d’une capacité annuelle de 27 milliards de mètres cube ; ils relient la Russie à l’Allemagne en passant par la mer baltique

le South stream, d’une capacité de 63 milliards de mètres cube, qui doit alimenter, d’ici 2015, la Bulgarie, la Serbie, l’Italie et l’Autriche en passant dans les eaux territoriales de la Turquie qui a donné son accord.

Dans ce jeu de monopoly gazier, les américains ne restent pas inactifs et souhaitent tailler des croupières aux russes en les supplantant en Europe mais aussi en Asie car, espèrent-ils, grâce au gaz de schiste dont ils ont autorisé l’exploitation, ils pourraient devenir à l’horizon 2030 « l’Arabie Saoudite » du gaz.

Cette petite analyse ne peut être exhaustive car bien des intérêts divergeant sont en jeu et, derrière mon petit doigt, une forêt se cache.

Les européens, sans doute incités par les américains, qui ont souhaité, et souhaitent toujours, récupérer l’Ukraine, pays géostratégique sur le plan énergétique, dans le giron de l’UE n’ont sans doute pas fait un excellent calcul et même, pourrait-on dire, une grave erreur stratégique et politique.
Dans le contexte géopolitique actuel, il était en effet impensable d’imaginer que les russes laisseraient la Crimée passer dans le camp occidental alors qu’ils partagent avec l’Ukraine la base navale de Sébastopol dont la flotte est composée à 83% de navires russes et à 17% de navires ukrainiens.

A vouloir récupérer l’Ukraine par tous les moyens, notamment financiers en octroyant à l’Ukraine des fonds qui n’avaient pu être trouvés pour aider des pays faisant partie de l’UE à sortir de la crise : la Grèce, le Portugal ou l’Espagne, c’est en définitive la Crimée qui à ce jour est de nouveau intégrée à la Russie.

Il peu probable que Vladimir Poutine prenne peur lorsque François Hollande fronce les sourcils et que des sanctions (lesquelles ? ) prises par les instances de l’UE ? l’encontre de personnalités proches du président russe soient sans grand effet pour infléchir sa politique.

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Alain Amsellem

16 Mai, 2014