Chronologie des faits et mouvements sociaux et politiques en Algérie. 1830 – 1954 / 1

de Abderrahim Taleb Bendiab.
dimanche 5 juillet 2015
par  Alger républicain

Alger républicain a décidé de remettre en mémoire, l’excellent travail sur la période historique 1830-1954, réalisé par feu Abderrahim Taleb Bendiab dans son ouvrage « Chronologie des faits et mouvements sociaux et politiques en Algérie – 1830-1954 » (que nous avions publié en 2009-2010).

Alger républicain redonne à lire et à explorer les dates, les évènements, les faits, les processus et les luttes qui ont marqué l’histoire de notre pays et lui ont permis d’avancer et d’arriver à son indépendance alors que la situation et la conjoncture ont été très difficiles, l’ennemi déterminé et le combat ardû.

Offrir ainsi le travail de Taleb Bendiab à ceux qui veulent encore creuser dans la genèse de la lutte du peuple algérien lorsqu’il a travaillé à organiser sa lutte et sa détermination pour réussir dans son combat pour l’indépendance.

Cette démarche pour éclairer ceux qui veulent apprendre, en savoir davantage et cherchent et ceux qui explorent l’histoire en travaillant à comprendre le présent.

Ainsi, nous redonnerons les dates explorées par Abderrahim Taleb Bendiab sous forme de rappel en suivant le déroulement de l’année. Ce sera une autre lecture de ce livre en reprenant les évènements au jour le jour et une autre entrée dans ce travail remarquable qu’il a laissé.

.

Alger républicain.

04 juillet 2015

CHRONOLOGIE DES FAIITS ET MOUVEMENTS

SOCIAUX ET POLITIQUES EN ALGERIE.

1830 – 1954

.

Introduction

Cette chronologie recense plus d’un demi millier de dates marquant les différentes étapes de la lutte du peuple algérien pour la reconquête de son indépendance. Elle traite de la période coloniale jusqu’au 1er novembre 1954. Le lecteur pourra suivre ainsi les différentes étapes de ce combat plus que centenaire qui a opposé notre peuple à la puissance coloniale.

Dans le choix des dates, nous avons retenu celles qui nous ont paru les plus significatives, sur les plans politiques, économiques, sociaux et culturels, celles qui ont marqué à un moment déterminé l’évolution du processus historique. Nous pouvons diviser cette chronologie en deux grandes parties.

1. La mise en place de l’« ordre colonial ».

Il y eut d’abord des opérations militaires. Elles furent longues et meurtrières. Nous avons volontairement publié de larges extraits pour montrer la nature terroriste du système colonial. Ensuite et afin d’appuyer ces opérations militaires, on mit en place tout un arsenal de lois juridiques qui visait un triple objectif :

a) Pulvériser la tribu, la société en introduisant la propriété privée. Par ce moyen les colonialistes espéraient en terminer avec la résistance des masses populaires. En effet, la structure économique et sociale de l’Algérie en 1830 était un des éléments moteurs qui alimentaient cette résistance héroïque.

b) Mettre en place l’exploitation capitaliste qui ne pouvait pas tolérer l’existence d’une forme collective de la propriété (arch., sabega, habous…) ou encore l’’existence ou la mise en place d’une économie indépendante (destruction de l’artisanat, intégration de l’économie algérienne à celle de la France.)

c) Le système colonial s’est caractérisé pendant toute la période d’occupation par une contradiction fondamentale qui a permis au mouvement national à ses débuts, de se frayer un chemin pour la libération du pays. En effet le colonialisme français se voulait d’une part assimilationniste. Pour cela différentes décisions ont été mises en application : introduction du Code Civil français qui dessaisissait la juridiction des mahkama, institutionnalisation d’un nouvel état civil, introduction de l’école française en opposition à l’enseignement de la langue arabe et du Coran, velléité d’évangélisation des populations autochtones etc… ; tout cela avec le désir d’implanter une très forte minorité européenne qui devait faciliter ces opérations assimilationnistes. D’autre part et en opposition à cette stratégie assimilationniste, tout un système d’assujettissement fut mis en place pour bloquer l’évolution politique de la société algérienne : sénatus-consulte de 1865, code de l’indigénat, système des communes mixtes et territoires militaires, et différentes autres mesures, circulaire Michel, décret Régnier, article 80 etc.… Cette politique à trois dimensions qui eut un triple effet sur la société algérienne.

* Tentative de génocide des populations autochtone au nom de la « race supérieure qui supprime la race inférieure ». En 1830 la population de l’Algérie était estimée à 3 millions d’habitants ; en 1870, elle n’était plus que de 2 millions 500. Raymond Barre, Premier Ministre français peut alors déclarer la conscience tranquille devant les députés de l’Assemblée Nationale Française :

« La France est fière de ses réalisations en Algérie ».

* Paupérisation extrême des populations algériennes avec multiplication de l’épidémie due à la malnutrition. Mais le résultat le plus grave en conséquence a été la réduction au sous développement de la société algérienne qui a entrainé la constitution en France d’une très forte émigration dont aujourd’hui le capitalistes voudraient se débarrasser : « après avoir pressé le citron, on jette l’écorce ».

Dans le domaine culturel, il y eut partout régression avec le triomphe de l’analphabétisme :

« le colonialisme », a écrit Aimé Césaire, « a frappé de mort les civilisations dont nul ne peut dire de quelle contribution supplémentaire elles eussent enrichi l’humanité ».

On sait ce que la colonisation a rapporté en argent, en richesse à l’Europe. Mais on ne peut supputer ce que l’humanité a perdu dans des civilisations disparues. A quel stade serions nous aujourd’hui de progrès universel si ces civilisations avaient continué à prospérer, à chercher, à trouver. On peut y rêver longtemps. Le colonialisme a brisé l’échine à d’autres civilisations plus humbles certes, mais qui étaient encore susceptibles de renouvellement, de développement. En sorte qu’il est permis de dire que la colonisation a fait reculer la civilisation au lieu de la faire avancer. Elle a décivilisé aussi bien le colonisateur que le colonisé, apparaissant ainsi comme une gigantesque entreprise d’ensauvagement, non seulement de l’Asie et de l’Afrique mais encore par un retour des choses de l’Europe elle-même.

* La violence a été une des caractéristiques essentielles de la lutte nationale. Les bombardements collectifs de la période 1954-1962, les tortures, les assignations à résidence surveillée, l’exode, ne sont pas des phénomènes nouveaux. Les opérations de Massu, de Bigeard, de Challe…continuent celle de Lamoricière, du Duc d’Aumale, de Bugeaud, du 8 mai 1945…

Nous avons donc tenté de dégager ce processus de destruction sur le plan politique, économique, social et culturel.

2. Dans la deuxième partie nous avons cité les principales étapes traversées par la lutte de libération nationale. En effet, il y eut d’abord les résistances essentiellement paysannes de tout le XIXe et du début du XXe siècle, et ensuite le processus de formation des courants et partis politiques.

Ce fut un long cheminement qui a eu ses moments forts où les masses furent entrainées dans la lutte : 1919, 1936, 1944, 1950… obligeant le colonialisme à reculer et à faire des concessions. Mais il y eut aussi des mouvements de repli ou de stagnation dû pour l’essenteil à une violente répression : 1925, 1930, 1939… entrainant parfois, le doute ou les déviations chez un certain nombre de militants. Cependant la stratégie de libération du pays s’est maintenue. Il n’y a jamais eu de coexistence avec le système clonial, contrairement aux affirmations de l’historien français Roger Letourneau.

Le choix des dates retenues dans la seconde partie pose un problème de méthodologie historique. La plupart des ouvrages relatifs à l’histoire du mouvement national algérien centrent l’essentiel de leurs réflexions autour des classes dirigeantes et de leur état major. Cette approche a conduit très souvent ces historiens à des positions beaucoup plus idéologiques que scientifiques ; ce qui par certains aspects pourrait nuire à la recherche historique.

3. Cette histoire qui centre toute sa réflexion autour de la vie politique peut nous amener à des impasses dans l’étude que nous faisons sur le mouvement national.

Pour cela nous citerons un exemple : le MTLD qui avait l’audience populaire la plus large est secoué par une profonde crise à partir des années cinquante. Il connait des désaffections, le doute s’installe au sein des militants et au cours de l’année 1954, le parti connait une profonde scission qui a pratiquement atomisé toutes ses structures.

Or c’est au cours de cette même année que se prépare avec succès le déclenchement de la lutte armée pour la libération nationale. Comment donc concilier cette désorganisation totale d’un des plus importants partis politiques d’où sont issus l’essentiel des hommes du 1er novembre avec le succès remporté par le mot d’ordre de lutte armée ? Seule donc une histoire sociale prise dans sa totalité peut nous permettre de dépasser ce qui nous parait être à priori une contradiction. C’est ce qui nous a guidé dans le choix des dates que nous avons retenues. Le lecteur pourra noter l’intensité des luttes et apprécier de façon concrète comment la crise du mouvement national a été dépassée pour aboutir au choix de la lutte armée.

Le lecteur notera que certaines régions de l’Algérie où certaines catégories de faits politiques reviennent plus souvent. Cela est le résultat provisoire de nos connaissances. Nous avons travaillé avec l’acquis scientifique que nous possédons.

Quant aux sources, nous ne les avons pas toujours citées ; elles sont classiques ; il s’agit des travaux d’Ageron, de Julien, Lacoste, Nouschi, Montoy, Prenant, Collot, Larcher, des thèses comme celles de Mesdames Hamed, Benallègue, de Planche, Kadache, un dépouillement de la presse…

Nous espérons que cette chronologie puisse rendre service à l’étudiant, au chercheur, tout simplement à ceux ou celles qui veulent avoir un apercu sommaire de l’histoire de notre peuple.

.

Abderrahim Taleb Bendiab.

-------

Chronologie des faits et mouvements sociaux et politiques en Algérie 1830 - 1954 / I

.

  • 1833 Béjaia est occupée par les troupes françaises.
  • Hiver 1847- 1848 Crise économique précédée par trois mauvaises années. Elle atteint les récoltes, les troupeaux et les hommes. Les maladies infectieuses et contagieuses se développent à travers tout le pays.
  • Hiver 1878-1879 Famine dans tout le pays.
  • 1889 Naissance de Abdelhamid Ben Badis à Constantine
  • 1893-1894 Crise viticole dans tout le pays.
  • 1893 Année de famine ; les épidémies se répètent et on assiste à une nouvelle forme de résistance : des attentats contre la propriété européenne.
  • 1904 La Fédération des Cheminots d’Algérie comptait en 1904, 27 syndicats avec 3430 membres.
  • 1907 Constitution de la Bourse de Travail d’Annaba.
  • 1908 Différentes prophéties populaires continuaient de courir : « annonçant que de Fès à Alger tout le monde allait travailler au soulèvement et qu’un mystérieux Hadj Kada allait se manifester ».
  • Décembre 1923 Tirage du 1er numéro du journal « La Caserne » en arabe.
  • Année 1923 Au cours de cette année il y eut dans l’ancien département d’Alger 13 grèves comprenant 3100 grévistes avec 22616 journées de chômage.
  • Décembre 1924 L’Intercoloniale Communiste accorde un crédit aux deux sections d’Indochine et d’Afrique du Nord.
  • Décembre 1927 Création à Paris de l’Association des Etudiants Nord Africains (AEMNA)
  • 1806-1807 Naissance de l’Émir Abdelkader dans la région de Mascara. Il appartenait à la tribu des Hachem et était d’ascendance « Chorfa ». Il était en outre affilié à la tribu des Kadriya. Sa mère Lalla Zohra était une femme instruite et profondément religieuse. Il a fait ses premières études à l’école de son village natal puis à Arzew.
  • 1825 Pèlerinage d’Abdelkader à la Mecque. Il a fait un séjour en Egypte. Après son pèlerinage, il se rendit à Damas, puis à Baghdad où il se recueille sur la tombe d’Abdelkader El Djilali fondateur de la confrérie des Kadriya.
  • 1830 Oran a été totalement vidée de sa population qui avait fui l’arrivée des français ; ils ne sont resté que 250 « indigènes ». (In : A. Berque – « La bourgeoisie algérienne… »)
  • 1832 Débaptisation de la mosquée d’El Ketchaoua pour en faire la cathédrale d’Alger.
  • 1832 Hadj Ahmed Bey de Constantine entre en lutte contre les Français. Annaba est occupée par les troupes colonialistes.
  • 1837 Grave épidémie de choléra dans le pays.
  • 1839 L’Émir Abdelkader fonde la ville de Saida.
  • 1841 Déclaration de la population des Hachem au Général Bugeaud : « Ce continent est le pays des Arabes vous n’y êtes que des hôtes passagers. Y resteriez-vous trois cents ans comme les Turcs, il faudra que vous en sortiez » (In : Lacoste…).
  • 1843 Transformation de la mosquée « Ali Bitchini » en église « Notre Dame des Victoires », de la même façon qu’est transformée l’ancienne mosquée de Souk El Ghezl de Constantine en Cathédrale. Désormais le gouvernement français ne tient plus compte des engagements auxquels il a souscrit.
  • 1851 Décès du Bey Hadj Ahmed à Alger.
  • 1851 Début de l’insurrection en grande Kabylie.
  • 1851 L’Algérie participe à l’insurrection coloniale de Londres.
  • 1852 L’armée coloniale occupe la Petite Kabylie.
  • 1856-1861 Une nouvelle crise économique se déclenche. Désormais les crises cycliques européennes deviennent les facteurs économiques bien plus déterminants que les conditions naturelles locales qui jusqu’alors rythmaient la vie des algériens.
  • 1858 Révolte des Aurès.
  • 1859 Révolte des Béni Snassen (Tlemcen-Ghazaouet).
  • 1860 Voyage de Napoléon III en Algérie.
  • 1864 Le Maréchal Mac Mahon est nommé Gouverneur Général de l’Algérie. Il est chargé d’appliquer la politique du « Royaume Arabe ».
  • 1866-1868 Séries de calamités naturelles : invasion de sauterelles en 1866, sècheresse avec apparition des famines. Au cours de ces années 500.000 algériens périrent des suites de ces calamités.
  • 1868 Suppression du corps des « Amines ». Cette mesure enlève aux couches moyennes le moyen d’exister.
  • 1882 L’Armée française occupe le M’zab.
  • 1926 Au cours de cette année il y eut dans l’ancien département d’Alger 18 grèves comprenant 1114 grévistes avec 6998 journées de chômage.
  • 1928 Les tracts de l’ENA (Etoile Nord Africaine) sont répandus en grand nombre en Algérie.
  • 1936 D’après les déclarations du ministre de l’Intérieur à la tribune du Sénat : "le nombre des grévistes atteignait pour toute l’Algérie en juin 1936 le chiffre de 36.000 contre 3500 en fin d’année.
  • Nov. Déc. 1947 On compte au cours de ces deux mois, environ 100.000 grévistes en Algérie.
  • Décembre 1953 Conférence nationale des chômeurs organisée sous l’égide du MTLD.
  • 1851 L’Algérie participe à l’Exposition Internationale de Londres.
  • 1853 L’Emir Abdelkader s’installe à Bursa en Turquie.
  • 1855 L’Emir Abdelkader s’installe à Damas. Il y installe une vaste bibliothèque faisant acheter par des émissaires de nombreux livres et manuscrits en provenance de tous pays.
  • 1857 L’Emir Abdelkader visite Jérusalem et Hébron en Palestine.
  • 1802 L’Emir Khaled s’installe en Algérie avec toute sa famille.
  • 1889 Naissance de Abdelhamid Benbadis à Constantine.

.

Quelques étapes de sa vie :

  • Il est issu d’une très vieille famille constantinoise, a fait ses études en langue nationale à Constantine.
  • 1908-1912 : poursuite les études à la Grande Mosquée de la Zeïtouna à Tunis.
  • 1912-1913 : se rend en pèlerinage à la Mecque et fait un pèlerinage à Médine et au Caire.
  • 1914-avril : commence son enseignement à la « Mosquée Verte » « Djamâa El Akhdar » de Constantine
  • 1919 : Il débute dans la presse à l’occasion de la création du journal Al-Najah.
  • 1925 - 2 juillet : aidé d’un groupe d’amis, il lance le journal « El Mountaqid ».
  • 1925-novembre : après la suspension d’El Mountaqid, il lance un nouveau journal Echihab.
  • 1926-21 décembre : il est l’objet d’une agression dans les rues de Constantine.
  • 1931-mai : fondateur et président de l’Association des Oulémas.
JPEG - 62.7 ko
Oulémas réformateurs algériens
DR
  • 1936 - 3 janvier : Abdelhamid Benbadis lance un appel pour la tenue d’un congrès regroupant toutes les personalités et forces politiques du pays.
  • 1936-juin : prend une part active à la préparation et aux travaux du Congrès Musulman Algérien (CMA).
  • 1936-juillet : fait partie de la délégation algérienne qui se rend à Paris auprès du gouvernement français pour déposer le cahier de revendications issu du CMA.
  • 1836 -août-septembre : entreprend une tournée à travers tout le pays pour expliquer le contenu de la charte revendicative du CMA.
  • 1939 : des séries d’épreuves familiales affectent la vie de Benbadis. Il perd son fils unique et un de ses frères.
  • 1940 -16 avril : mort d’Abdelhamid Benbadis à Constantine. (in Merad Ali, Abdelhamid Benbadis, commentateur du Coran…)

Abderrahim Taleb Bendiab

(suite : ici...)



Portfolio

JPEG - 15.3 ko