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Haïti l’insoumise, martyrisée pendant des siècles, cherche aujourd’hui encore à se libérer de l’emprise impérialiste (1ère partie)

vendredi 16 décembre 2016, par Alger républicain

Quelques faits avérés pour comprendre les malheurs de la population d’Haïti

Tout a commencé en 1492 quand Christophe Colomb à bord de sa goélette, perdu dans un océan sans limite, pris dans une violente tempête est venu se briser sur les côtes d’une île qui ne connaissait pas. Il était persuadé qu’il venait de toucher l’Inde, le but de son expédition. Il s’était complètement trompé. Mais il persista dans son erreur, croyant dur comme fer que c’était bien l’Inde qu’il venait de découvrir. D’où le nom d’Indiens attribué aux autochtones.

Cette "découverte" fut le début d’indicibles malheurs pour les peuples de la région. Ils perdront leur identité propre : Inca, Aztèque, Cheyenne, Comanche, Apache, Sioux, Cherokee et bien d’autres.
L‘île découverte s’appellera suivant sa volonté Espagnola. Pour ce personnage immonde, les peuples de ces régions n’existaient pas. Il va en faire sans état d’âme des esclaves. Sous l’expression fallacieuse de ‘’ découverte d’un nouveau monde,’’ voilà ce veulent cacher les puissances coloniales, le massacre de millions et de millions d’Indiens. Une véritable orgie de crimes odieux, le plus grand génocide de tous les temps, jamais dénoncé ni reconnu [1].

Christophe Colomb de malheur comme le qualifient les Indiens d’Amérique, ce personnage diabolique que les Occidentaux présentent de façon outrancière sous les traits d’un héros et d’un grand scientifique, n’était en fait, qu’un vulgaire chercheur d’or. C’était surtout un véritable colonisateur. Chaque fois qu’il prenait possession d’un territoire, il le décrétait territoire de sa majesté le roi d’Espagne. Mais sa première préoccupation, dès qu’il mettait pieds à terre, c’était la recherche des mines d’or. Il voulait de grandes quantités d’or pour financer les croisades. D’ailleurs, son expédition a été financée dans sa presque totalité par l’Eglise qui a joué un rôle déterminant dans toute l’opération coloniale de l’Espagne. L’Eglise s’est enrichie outrageusement et doit son immense fortune au pillage massif des grandes richesses de ces régions.

Aïti n’a pas échappé à cette orgie de crime. Originairement, l’île d’Ayiti, c’est à dire « Terre des hautes montagnes » était, depuis plus de quarante mille années, peuplée par les Taïnos de la tribu des Arawaks, peuple semi-sédentaire pacifique. Lorsque Christophe Colomb accosta pour la première fois le 5 décembre 1492, l’île comptait probablement plusieurs centaines de milliers d’habitants. Malgré la résistance héroïque des Indiens contre l’occupant, il n’a fallu aux Espagnols, que quelques dizaines d’années pour exterminer totalement les autochtones du pays. Au milieu du XVIe siècle, seuls 150 Indiens avaient survécu à cette infamie.

Après de nombreux déboires, les Espagnols sont chassés d’Aïti par des flibustiers français, des pirates et d’autres brigands. Une aubaine pour la monarchie française qui plaça la partie occidentale de l’île sous en emprise. Le traité de Ryswick, en 1697, céda définitivement cette partie à la France.

La communauté européenne se développa rapidement et prit possession des terres ancestrales des Indiens. L’agriculture connut un essor fulgurant. Les premières cultures furent le tabac et l’indigo, puis la canne à sucre. Ces nouveaux colons réclamaient de la main d’œuvre. Des Français fuyant la misère s’engageaient pour 3 ans à travailler sans salaire, puis s’installèrent sur de nouvelles terres. La traite négrière se développa rapidement. Plus de 500 000 Africains violemment arrachés à leur pays sont ramenés dans l’île où ils sont réduits en esclavage. Entassés dans les cales des navires, des milliers d’entre eux avaient péri pendant la traversée. On vida aussi les bagnes et les prisons pour renforcer la colonie européenne et combler le manque de main d’œuvre. Au bout de quelques années, l’île était devenue une des plus prospères de la région caraïbe. En Europe on citait en exemple cette "merveilleuse réussite".

Mais voilà, les faits sont têtus. Cette "embellie" économique, on la doit principalement à l’exploitation forcenée des esclaves Africains. Une main d’œuvre totalement gratuite. Ces colons et d’autres individus douteux venus de partout, étrangers au pays, composés de brigands, de malfrats et d’aventuriers de toutes sortes, sont devenus des esclavagistes féroces. Dans les mines d’or, un garde chiourme diabolique faisait travailler les esclaves à coup de fouet jusqu’à épuisement, faute de nourriture. Les morts sont aussitôt remplacés. Leurs corps sont jetés à la décharge comme des ordures. Dans les campagnes, c’était le même scénario. Tous ces énergumènes agissaient avec une brutalité perverse et inouïe. A leurs yeux les esclaves sont moins que du vulgaire bétail. Plusieurs révoltes d’esclaves ont été noyées dans le sang. Le massacre d’esclaves faisait partie du lot quotidien de cette population hétéroclite sans état d’âme. Mais à force de subir tant de maltraitance et d’injustice, les esclaves ont appris la leçon pour riposter contre leur exploiteur.

Les peuples opprimés attendent avec impatience le jour où ils pourront enfin se libérer de leurs chaînes. Un esclave né dans une plantation, ne sachant ni lire ni écrire, va leur redonner espoir. Il ne vient pas du néant où de quelque part sans que l’on sache pourquoi maintenant, alors que l’esclavage dure depuis des siècles. La traite des noirs Africains a été la plus grande infamie de tous les temps. Cet esclave est sorti des entrailles des millions d’Africains meurtris par la colonisation occidentale. Les esclaves Africains n’ont jamais accepté leur condition de non être humain. De tout temps ils se sont rebellés contre leurs oppresseurs. Les nombreuses révoltes le prouvent tout au long de leur captivité.

Sur l’île d’Haïti, une révolte pas comme les autres, débuta en août 1791 à la suite de la Cérémonie de Bois-Caïman, dans la plaine du Nord : plus de 1 000 Blancs furent égorgés et leurs habitations incendiées. Sous la conduite de leurs chefs, dont le plus important fut Toussaint Breda dit Louverture, les esclaves passèrent d’une révolte à une guerre de libération en s’alliant d’abord aux Espagnols de Saint-Domingue, en guerre contre la nouvelle République française.

En quelques mois, à la tête d’une armée de 20 000 anciens esclaves, Toussaint Louverture renversa la situation militaire à son avantage et libéra la moitié du territoire et la partie occupée par les Espagnols. La première mesure prise fut l’abolition de l’esclavage. Elle est suivie par d’autres mesures favorables aux noirs. La France de Bonaparte ne l’entendait pas de la même oreille. Bonaparte décida d’envoyer son armée au prétexte de rétablir l’ordre. Mais ce n’était pas une simple expédition, c’était une véritable armada, comprenant une flotte de trente mille hommes à bord de quatre-vingt-six vaisseaux et commandée par son beau-frère, le général Leclerc. Il voulait surtout rétablir l’esclavage qui rapportait gros aux colons.

Toussaint Louverture, dont Christophe et Dessalines, Après trois semaines de combat inégal et sanglant, les insurgés se rendent. Toussaint Louverture lui-même accepte sa reddition. Il est autorisé à se retirer sur l’une de ses plantations. Toussaint Louverture est à nouveau arrêté malgré sa reddition, déporté en France et interné au fort de Joux, dans le Jura, où il mourra des rigueurs du climat et de malnutrition le 7 avril 1803, après avoir prophétisé la victoire des Noirs.

Malgré cette défaite, des révoltes d’esclaves éclatent un peu partout. Des actions de vengeance contre les blancs se multiplient, plusieurs centaines de colons seront exécutés et leurs habitations incendiées. A la veille de l’indépendance les blancs ont fui dans leur presque totalité et se sont réfugiés dans les îles voisines.
La population d’origine Africaine est devenue majoritaire et actuellement représente 95% de la totalité des habitants. Le reste, quelques blancs épargnés, se compose d’ingénieurs, d’architectes, de médecins et de mulâtres.
La lutte continue sous la conduite du général noir Dessalines, l’un des lieutenants de Toussaint Louverture. L’armée d’esclaves refoula les Français hors du pays. Il proclame l’indépendance d’Haïti.

La première république noire libre du monde vient de naître. L’indépendance d’Haïti a été reconnue par la presque totalité des pays, mais à peine créée, la république d’Haïti est déjà endettée : la France colonialiste n’avait reconnu l’indépendance du pays qu’en échange d’une indemnité de 150 millions de franc-or. La somme sera ramenée à 90 millions de franc-or. Le prétexte invoqué est le dédommagement des colons.

Pendant toute cette période mouvementée d’Haïti, du débarquement de Christophe Colomb à l’indépendance, (1492 à 1804) soit pendant 5 siècles, l’île n’a pas connu un seul moment de stabilité. Le colonialisme espagnol et français a mis l’île à feu et à sang et provoqué le chaos. Une bande d’esclavagistes sanguinaires, véritables brigands de bas niveau, ont semé la terreur généralisée contre toute la population, noire ou blanche. Les puissances coloniales n’ont rien fait pour empêcher cette infamie. Seul l’or qui rapportait plus de 500 000 francs-or par an et l’argent des grandes plantations de canne à sucre, les intéressaient.

Du côté des esclaves, la lutte menée contre le colonialisme n’a pas permis leur libération totale. Ils n’ont pas pu empêcher la séparation de l’île en deux parties. Tout d’abord, il ne pouvait pas avoir de cohésion et d’unité dans la lutte du fait que les esclaves ne venaient pas du même pays. Certains étaient originaires du Mali, ou du Bénin ou d’autres pays africains. Chaque ethnie avait sa propre identité et pratiquait son langage et ses coutumes. La situation était donc très complexe. On le sent dans le comportement ambigu des chefs qui étaient à la tête des révoltes des esclaves. Les luttes intestines et même les guerres entre différents clans ne pouvaient pas aboutir. Par exemple, l’assassinat de Dessalines qui a chassé les colonialistes d’Haïti et proclamé l’indépendance de l’île. De plus les colonialistes ont très bien compris l’avantage qu’ils pouvaient tirer de ces contradictions.

Mais il faut cependant souligner un événement exceptionnel. Haïti, île martyrisée par les puissances coloniales pendant des siècles, a été le premier pays où 400 000 Africains victimes de la traite et de l’esclavage barbares des Européens se soulevèrent contre 30 000 maîtres de plantations de canne à sucre et de café, déclenchant la première grande révolution sociale sur le continent afro-américain soumis aux puissances coloniales. Ils écrivirent des pages d’une gloire insurpassable et exemplaire pour tous les peuples qui subissent les mêmes calamités. Ils mirent en déroute la puissante armada française envoyée pour mater leur révolte des esclaves, armada de surcroît dirigée par un éminent général de Napoléon.

Liès Sahoura
16.12.16


[1Lire le livre de Rosa Amelia Uribe Plumelle « La férocité blanche », avocate originaire de Colombie et portant dans sa chair et dans son cœur les héritages indien et noir.