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Hommage à Azzedine Medjoubi et à Abdelkader Alloula. Ces grands hommes de culture assassinés.
dimanche 21 mars 2010, par
Il y a quinze ans, le 13 février 1995, Azzedine Medjoubi, un des plus grands noms du théâtre algérien, était assassiné.
La horde sauvage, téléguidée par des puissances d’argent émergentes et décidées à mettre le pays sous leur coupe, faisait régner la terreur. Elle avait entrepris de décimer tous les hommes de culture qui traduisaient sur les planches les aspirations du peuple à la démocratie et à la justice sociale, hors des canons conventionnels d’un théâtre de divertissement futile pour bourgeois repus.
Un an avant lui, le grand dramaturge Abdelkader Alloula avait été assassiné près de chez lui à Oran. La chasse aux sorcières était déclenchée. Les tueurs enrôlés sous les plis du drapeau de l’intégrisme islamiste réalisaient les vœux des aspirants à l’accaparement des richesses du pays. Leurs cibles étaient nombreuses et parmi elles des artistes talentueux qui fustigeaient inlassablement, dans la splendide langue du théâtre populaire, les arrivistes et parvenus enrichis par le vol des biens de la nation, sous le costume du "nationalisme" ou le qamis de la religion. Malgré le parti unique et le verrouillage de la vie politique, le message de ces hommes et femmes de culture drainait des foules de spectateurs assoiffés de vérité, de résistance à laquelle exhortait le verbe au vitriol du théâtre engagé. Buvant avec délectation la verve magique de Medjoubi, de Alloula et d’autres hommes de théâtre, elles prenaient leur revanche sur les tenants arrogants d’un système de plus en plus étranger aux aspirations des plus humbles, ceux qui ne vivent que du fruit de leur travail manuel ou intellectuel. La montée au sein des masses d’une aspiration irrépressible à la justice faisait réagir en 1980, en plein début de l’application de l’article 120, un haut responsable du régime. Mis en difficulté lors d’une réunion avec les jeunes, il disait à ses proches politiques à peu près ceci : "s’ils croient qu’ils vont nous déloger du pouvoir, nous les égorgerons comme nous avons égorgé les autres pendant la guerre de libération".
Medjoubi comme Alloula ne faisaient aucune concession aux trafiquants ou aux faux dévôts. Avec art, leurs pièces faisaient parler le travailleur, le jeune, la femme, en un mot tous les opprimés que le système du parti unique tentait vainement de réduire au silence pendant que les richesses du pays commençaient à tomber sous le contrôle d’individus haut placés sans foi ni loi.
Qui ne se souvient de la colère déclenchée chez ceux qui présidaient alors aux destinées du pays lorsque le télévision projeta vers 1983 "Hafila tassir" - une pièce adaptée du célèbre "Voleur d’autobus" - où Medjoubi usait avec superbe d’un langage codé faisant mouche à tous les coups. "Comment vous permettez-vous de passer dans notre télé une pièce qui nous insulte de cette façon ?", c’est quasiment en ces termes que les techniciens de permanence furent violemment interpellés par un personnage qui faisait la pluie et le beau temps à l’époque. Il y avait de quoi : aux prises avec une meute de chiens aboyant rageusement derrière les grilles des villas de certains quartiers des hauteurs de la ville, le chauffeur admirablement interprété par Medjoubi déclamait une belle et féroce réflexion sur les "chiens d’en haut" ("klab el foug"). Percutante, cette métaphore condensait en elle toute la haine que le peuple accumulait contre les profiteurs au pouvoir. Elle ne lui sera jamais pardonnée.
Azeddine Medjoubi n’a pas été oublié, 15 ans après son assassinat.
"Ses amis, ses compagnons, à leur tête sa veuve, Mme Amina Medjoubi, se sont rassemblés devant le TNA pour rendre hommage au défunt.
« C’est une rencontre symbolique contre l’oubli. Azzedine Medjoubi appartient au peuple algérien, il ne m’a jamais appartenu. Il a fait rire et pleurer tout une génération, aussi bien sur les planches que sur les écrans, cela ne doit jamais être oublié »,
a déclaré son épouse, la gorge nouée par l’émotion." (La Tribune du 14 février 2010)
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Nadir
Article publié dans la version papier Alger républicain de mars-avril 2010. Disponible dans certains kiosques d’Alger, Tizi Ouzou, Bejaïa, Oran, Constantine.