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Syrie : Frappé par des inconnus le 3 février, l’hôpital invisible n’était pas de MSF

mercredi 4 mai 2016

Dans l’immense tragédie qui frappe la Syrie depuis des années, il faut que les humanitaires soient attentifs à ne pas se laisser instrumentaliser par ceux qui fomentent les conflits et dont l’objectif est de conduire à d’avantage d’affrontements.

D.R

Voici un cas emblématique. L’hôpital, « soutenu par MSF » bombardé dans la province d’Idlib, nord de la Syrie.

Première étape.

Indignation mondiale. On affirme que « la Russie bombarde délibérément un hôpital de MSF » sans aucune vérification de qui dit quoi.

Le 15 Février, un communiqué émanant de Médecins Sans Frontières (à Gaziantep, en Turquie), dénonce un acte odieux : la destruction d’un hôpital « soutenu par MSF » touché par deux séries d’attaques qui ont fait de nombreuses victimes, dans la province d’Idlib, à Ma’arat al Numan (nord ouest de la Syrie).

Le chef de mission de MSF déclare « qu’il semble s’agir d’une attaque délibérée contre un centre médical. » MSF n’indique au départ aucune responsabilité précise. L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) (proche des groupes armés), accuse tout de suite des avions russes.

Cette nouvelle devient vérité planétaire : « La Russie bombarde délibérément un hôpital de MSF. »
Dans une situation tragique des nouvelles de ce genre conduisent rapidement à ce que des parties engagées dans la guerre, ici la Turquie et l’Arabie Saoudite, se montrent prêtes à intervenir et à soutenir une guerre sans fin.

Deuxième étape.

Demande de clarification adressée à MSF.

Le 16 nous envoyons à l’ONG quelques questions fondées sur le communiqué de MSF, mais aussi sur le manque de distance critique de la part des médias, et sur le fait que l’organisation médicale n’est pas présente légalement en Syrie, et n’a pas d’établissements ni son propre personnel sur place. MSF soutient des structures locales seulement dans les zones contrôlées militairement par l’opposition (le gouvernement n’a pas donné l’autorisation d’ouvrir de semblables installations en Syrie).

Accusées la Russie et la Syrie nient catégoriquement toute responsabilité et pointent du doigt l’absence de preuves.

Questions :

Le Centre médical de Ma’arat n’étant pas un hôpital appartenant à MSF, simplement soutenu financièrement, qui en assure la gestion ?

Pourquoi l’hôpital n’est pas signalé et ses coordonnées non transmises aux deux belligérants ? Ce fut pourtant le cas de l’hôpital géré directement par MSF, à Kunduz en Afghanistan.

Quelle source accuse les avions russes ? Sur quelles bases et sur quelles preuves ?
Avant la guerre, le bâtiment était-il déjà un hôpital ?

Sur quels éléments se fonde MSF pour parler d’ « attaques délibérées contre un établissement médical » (un crime de guerre), vu que cet hôpital n’est pas signalé ?
MSF dit que maintenant 40 000 personnes sont privées d’hôpitaux. N’y a-t-il pas d’hôpitaux gouvernementaux dans la région ?

Au sujet de la maternité et de hôpital de l’enfance touchés à Azaz. Puisque MSF déclare qu’il ne s’agit pas d’un centre médical sous sa gestion, quelle est la véritable source de cette information ?

Troisième étape.

Nous faisons notre propre enquête (dans la limite de nos moyens, ce serait aux médias qui diffusent ces informations de le faire)

MSF à Genève nous dit qu’elle est incapable de répondre à nos questions en dépit des rappels (C’est au siège central de Genève de répondre à ces questions).

Le 17 Février, lors d’une conférence de presse à Genève, la directrice des opérations de MSF France, Isabelle Defourny et la président de MSF Joanne Liu, font des déclarations qui éclairent en partie nos suppositions.

Voici les déclarations de MSF.

L’hôpital était caché, rien ne le signalait. MSF a décidé de ne pas indiquer à la Russie et à la Syrie, les coordonnées des établissements médicaux, situés dans les zones contrôlées par l’opposition ; centres soutenus et financés par MSF (sans la présence de personnel MSF). Seuls les emplacements de trois hôpitaux, situés dans les zones de combats intenses, sont transmis aux ambassadeurs russes à Genève et à Paris. Pas les autres.

Pourquoi cette bizarrerie ? Pourquoi ne pas signaler systématiquement la présence d’un Centre médical, bâtiment protégé par les Conventions de Genève ?

Réponse : c’est l’équipe syrienne, soutenue par MSF dans les zones contrôlées par l’opposition, qui le refuse. Par peur d’être touchés.

Dans un appel diffusé le 18 Février, MSF demande aux membres du Conseil de sécurité « et en particulier à la France, à la Russie, à l’Angleterre et aux USA, qui sont parties prenantes dans le conflit » de s’engager à arrêter ce massacre, de se mobiliser pour protéger les civils, en évitant les combats dans des zones non militaires. Dans le rapport qui accompagne l’appel, et qui est rédigé sur la base de données : « collectées à partir de 70 hôpitaux et établissements de santé pris en charge par l’organisation en Syrie dans le nord – ouest, l’Ouest et le centre de la Syrie », MSF dénonce « le fait que 63 hôpitaux et établissements de santé pris en charge par MSF ont été attaqués ou bombardé à 94 reprises, dans la seule année 2015, et au moins 17 en 2016, dont 6 d’entre eux sont pris en charge par MSF ». Mais justement : ces bâtiments, de l’aveu même de MSF, ne sont pas signalées comme hôpitaux.

Quand les ONG participent de l’intoxication et font de la politique

Quoiqu’il en soit, après ce qui s’est passé ces derniers jours à Alep, il est impératif que les affiliés syriens de MSF se coordonnent avec le gouvernement syrien. Comment affirmer « Attaque délibérée contre une structure hospitalière » ? Alors qu’il est impossible de distinguer un Centre médical en tant que tel ?

Face à une telle contradiction, MSF précise : « The attack can only be considered deliberate ». En Français : « L’attaque ne peut qu’être considérée comme délibérée. » Et même si la phrase était nuancée par un « peut-être », la contradiction ne disparaîtrait pas.

Qui sont les coupables ? Où sont les preuves ? Qui le dit ?

Joanne Liu, président international de MSF déclare :
« L’attaque est probablement le fait de la coalition du gouvernement syrien, la plus active dans la région ».

En clair, cela signifie que l’attaque est probablement venue de l’armée syrienne ou de l’aviation russe.
C’est une possibilité ? Mais…où sont les preuves ?

« Nous parlons de probabilité car comme seuls faits nous avons les perceptions du staff local [de MSF en zone de combat contre l’Etat syrien, ndlr]. Les survivants croient que l’attaque a été menée par la coalition conduite par le gouvernement. »

Et encore MSF affirme : « Recueillir les preuves demande du temps. »
Mais au fond : les équipes hospitalières d’un établissement de l’opposition, qui a décidé de ne pas se signaler comme Centre médical, peuvent-elles vraiment déclarer autre chose ? (Ajoutons à cela que le Pentagone n’a pas fourni de preuves sur les responsabilités de l’attaque attribuée aux Russes ou aux Syriens, à des forces aériennes ou à des missiles. Ils ont affirmé : « Ce point n’est pas clair ».)

Aucune réponse de la part de MSF non plus à la question concernant la présence ou non, dans les zones contrôlées par l’opposition, d’hôpitaux gouvernementaux, de l’État, ceux qui existaient autrefois bien sûr. Autre problème sur lequel nous reviendrons.

Un fait est certain : la région d’Idlib est sous le contrôle d’une coalition de groupes islamistes, comme Jaish Al Fatah (l’Armée de la conquête), qui noue des alliances à géométrie variable avec d’autres formations salafistes ou liées à Al- Qaïda, comme le Front Nusra.

Selon des accusations précédentes du gouvernement syrien (juste pour mentionner aussi l’autre partie), ces groupes armés ont peu à peu occupé et détruit les Centres médicaux du gouvernement, dont le célèbre hôpital Jisr al Shugur.

Reste la question de l’hôpital de l’agglomération d’Azaz. Là aussi, MSF ne peut avoir des informations à ce sujet puisque l’organisation ne gère pas l’établissement, n’en soutient pas les installations et que l’ONG n’est pas présente en Syrie avec son personnel.

Sur cette question, les accusations concernant les avions russes, viennent du gouvernement turc et de l’opposition syrienne, en particulier des « White Helmts » soit des « casques blancs » juges et partie. Alors qui sont ces « Casques blancs » ou « la défense civile syrienne », « organisation bénévole de secours » ? Ce n’est pas une source impartiale ! Certains de leurs membres, qui, contrairement à l’hôpital à Idlib, sont facilement identifiables (casque blanc, est le symbole de l’uniforme), ont été impliqués dans des exécutions sommaires que les mêmes groupes armés ne nient pas, tout en les condamnant par ailleurs.

Comme le déclare leur fondateur, l’ex officier britannique James Le Mesurier, à une TV, Al Jazeera du Qatar, qui participe de la propagande pro-rebelles :

les casques blancs ont été formés à partir de 2013 en Turquie (là où James Le Mesurier travaillait, on ne sait pas dans quoi). Ils sont financés par les États-Unis, le Japon et la Grande Bretagne.

Mark Ward, dont le département dirige l’assistance des États-Unis pour la Syrie, déclare que « rien n’est meilleur pour la cohésion d’une communauté que les efforts pour secourir les victimes »

Dommage que justement les Etats-Unis, la Turquie et ses alliés, ont tout fait tout pour transformer la Syrie en un cimetière.

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Marinella Correggia
03 mai 2016

Traduit de l’italien par Elisabeth Brindesi pour Arrêt sur Info, [révisé le 4 mai]

Source ; http://www.sibialiria.org/wordpress/?p=3146#sthash.X7gAosM4.dpuf


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