Voici pourquoi l’Algérie ne va pas en guerre au Yémen

lundi 13 avril 2015

Finalement l’Arabie Saoudite sort de l’ombre et ose, sournoisement, faire la guerre à l’Iran, mais en terrain neutre. L’arène est vite trouvée : le Yémen, le mobile aussi : la ré-instauration de la « légalité » sunnite, balayée par l’organisation insurrectionnelle chiite Ansar Allah’ des Houthistes, qui est un mouvement socio-politique de l’école théologique zaydite, du nord-ouest du Yémen, que soutiennent l’Iran (chiite) et le Hezbollah (organisation chiite du Liban). En conflit depuis 2001, avec le gouvernement de la République du Yémen, les Houthistes lui reprochent de les avoir marginalisés sur les plans politique, économique et religieux dans le cadre de la réunification du Yémen, en 1990, et demandent le rétablissement du statut d’autonomie dont ils bénéficiaient, avant le coup d’Etat de 1962, dans le cadre du royaume mutawakkilite du Yémen (dirigé par la dynastie des imams zaydites) et à terme rétablir l’imamat zaydite.

Comme l’avait fait son mentor américain, pendant les guerres contre l’Irak, Riyad prend l’ascendant sur les pays de la région et les monarchies arabes, dans une coalition, qu’elle veut la plus large possible, pour affronter l’Iran, au Yémen.

L’Algérie, fidèle à ses principes constants de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays, ne participe pas à cette coalition qui, au départ, n’était question que d’une « force arabe » antiterroriste, discutée au sein de la Ligue arabe. La sollicitation par l’Arabie Saoudite, de pays non-arabes, dans cette coalition des va-t-en guerre rémunérés en pétrodollars des monarchies du Golfe, comme le Pakistan et la Turquie, sort du cadre de la Ligue arabe et prend une autre dimension, que l’Algérie ne peut ni cautionner, ni y adhérer. Ces deux pays sont les alliés sûrs et de toujours, des Américains. Le Pakistan est le poste de commandement du terrorisme islamiste mondial, la Turquie est une pièce stratégique dans le dispositif de l’OTAN et le partenaire allié et indéfectible de l’Etat d’Israël. Sa participation au démembrement et au morcellement de la Syrie, n’est plus un secret, comme elle est devenue, la plaque tournante et le point de passage obligé de l’internationale - djihadiste.

Le maréchal Sissi n’espérait pas tant, en quête de légitimité et de dollars, il saute sur l’occasion qui lui est proposée, va, à la rescousse des monarchies et met son armée, sous la bannière des Wahhabites, au service d’une cause que Nasser n’aurait, jamais approuvée, lui qui avait mené la vie dure aux monarques arabes. Ainsi le maréchal, tombeur des Frères musulmans d’Egypte, eux-mêmes alliés du Qatar et des autres monarchies arabes, devient le sauveur de ceux du Yémen. Lui qui a pris le pouvoir par les armes en Égypte, se donne la gloire de remettre en selle, la légalité yéménite. Il est logique donc, de déduire que les objectifs wahhabites sont clairs : s’allier avec le diable pour se fixer à leurs trônes, qu’ils veulent faire croire être menacés, de l’extérieur, par l’Iran, alors que le vrai danger qui les guette est ancré en eux. Ils utilisent le schisme religieux, le mettent en épouvantail pour exalter les sentiments sacrés de leurs peuples et les couper de la réalité du monde moderne et de la liberté de penser et de choisir.

Toutes ces guerres imposées, depuis plus de 25 ans, aux peuples du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, ont pour but de balkaniser cette région, en petites entités ethniques, dans de petits états non viables, dans le seul intérêt hégémonique de l’Occident.

Les monarques du Golfe n’existent que par la volonté de cet Occident qui les a faits, en reniant même, les valeurs démocratiques et des droits de l’Homme qu’il dit universels. L’Algérie ne s’est jamais reniée et ne se reniera pas pour mettre l’armée du peuple sous l’ordre de ceux qui ont trahi leurs propres peuples. L’Histoire récente confirme que les Algériens ne se sont pas trompés, dans leurs vues et analyses, et qu’ils savent bien défendre leurs intérêts stratégiques et leur sécurité nationale en privilégiant la résolution pacifique des conflits dans leur région. Ce n’est pas en bombardant et occupant Bagdad et Tripoli qu’on a démocratisé l’Irak et la Libye, ni même en recourant à des sanctions économiques ; aucun embargo n’a jamais vaincu une dictature, les peuples se libéreront d’eux-mêmes par le travail et la croissance économique, la liberté de la presse et une justice indépendante, juste et équitable et de l’expansion des classes moyennes.

Esseulée en Afrique du Nord, coupée de son espace d’influence africain et méditerranéen, à la suite des bouleversements nés des conflits internes de ses voisins, se mettre, partie prenante, dans une guerre entre sunnites et chiites serait suicidaire. L’Algérie fidèle à ses alliés historiques, traditionnels et stratégiques, visés par ces manœuvres dans la région, le raffermissement des liens, avec eux, est, plus que jamais, primordial et vital.

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par Ahmed Farrah

13.04.15

In le Quotidien d’Oran