Diar Echems, il y a 28 ans déjà !

lundi 26 octobre 2009
par  Alger républicain

Des barricades étaient dressées, des pneus brûlés, le drapeau, l’étendard de l’Algérie brandi par les jeunes en face des brigades anti-émeutes, qu’on appelait à l’époque « hamma loulou ». Les jeunes manifestants étaient encadrés par la section de l’U.N.J.A. locale (Union Nationale de la Jeunesse Algérienne), organisation de masse sous l’égide formelle du parti unique mais s’efforçant d’engager des actions sociales et culturelles autonomes malgré les obstacles tels que le fameux article 120.
Comme aujourd’hui, les jeunes revendiquaient une vie décente, un toit, un quartier plus propre, un emploi et une part de rêve dans un pays aux immenses potentialités, ils ne voulaient pas être laissés en rade du développement par les chantres de l’infitah de l’époque.

Les jeunes se sont battus contre les casseurs et avaient veillé jour et nuit pour éviter le pire et constituer des comités d’immeubles puis un comité de cite pour porter leurs revendications aux autorités concernées.

Là où ils se sont adressés, ils recevaient en retour des autorités officielles cette question :
« Dites-nous qui est derrière cette manipulation avant d’ouvrir tout débat ! »
La réponse des jeunes était immédiate :
« ce sont nos problèmes, nous vivons a plus de 14 personnes dans un F1, nous dormons à tour de rôle ».

En tant que secrétaire général de l’union locale de l’UNJA de l’époque, je faisais partie de la délégation citoyenne qui s’est rendue, en compagnie du regretté Sadek Aissat , Secrétaire général de l’Union de wilaya Unja d’Alger pour répondre à une convocation des services de police d’Alger. Nous fumes reçus de manière provocatrice :
« Nous savons que c’est le PAGS (Parti de l’Avant-Garde Socialiste) qui manipule les jeunes, dites-leur de s’arrêter, sinon nous allons utiliser de meilleures manières pour que cesse cette anarchie ».
Les représentants du comité de cité avaient protesté énergiquement :
« nous sommes venus vous exposer nos problèmes et envisager des solutions et vous nous dites que nous sommes manipulés ; oui nous sommes manipulés par notre misère, alors utilisez vos meilleure manières pour régler nos problèmes ! ».

La rencontre s’est terminée sur ces menaces, aucun problème n’a été discuté ni résolu !

Quinze jours plus tard, deux militants UNJA parmi les plus actifs de la commune d’El Madania ont étés agressés et blesses à Diar Echems par des barbus aux cris d’« Allah akbar », au moment où ces deux jeunes affichaient sur les murs de la cité, les résultats des démarches du comité de cité.

On sait par la suite ce qui s’est passé, Diar Echems et l’Algérie avaient basculé sous Chadli dans l’irrationnel. Un deal s’était conclu contre toute revendication sociale et démocratique ; un deal conclu au profit des ennemis mortels de la république et de leurs sponsors les vampires néolibéraux.

Vingt-huit ans après on continue les mêmes pratiques : si tu te plains on te bastonne, on te traite d’anti-national, de manipulé ! C’est triste l’image qu’ils continuent d’avoir du peuple ! Si cette jeunesse, de guerre lasse, se jette à la mer pour fuir ce calvaire et que par malheur elle rate son coup, elle sert de nourriture aux poissons ou bien elle est vite rattrapée pour être jetée en prison.

Vingt- huit ans après on n’est pas sorti de l’affrontement, de cette folie organisée, de cette folie meurtrière.

Vingt- huit ans après les citoyens de Diar Echems n’ont d’autres solutions que l’émeute !

Vingt- huit ans après, la situation n’a pas progressé d’un iota. Elle s’est aggravée !

Vingt-huit ans après, une autre émeute a éclaté et nos responsables posent toujours la même question : « qui est derrière ? »

Messieurs, pour une fois, regardez la vérité en face ! C’est la misère !
Jusqu’à quand cela va-t-il durer, patriotes et hommes épris de justice d’Algérie ! Jusqu’à quand ?

N.B. : Le 2e jour des affrontements actuels, j’ai revu ammi Boualem, un des manifestants de 1981.

Il me dit : «  fi bladi koulchi ahbal hatta echems tatghatta belgherbal » (« Dans mon pays c’est la folie, même le soleil est caché par le tamis ») ? Tu vois mon frère, j’ai maintenant soixante ans, diabétique, retraité des chemins de fer ; j’habite toujours le F1 que tu connais ! Je suis fatigué, ce sont mes deux enfants qui sont parmi les manifestants, je leur ai conseillé de se munir de vinaigre contre les bombes lacrymogènes ! Je n’ai pas voulu les conseiller davantage ! Notre révolte avait échoué, peut-être pas la leur !"

Vingt-huit ans après rien n’a changé ou plutôt en pire !

Rien n’a changé sauf que l’ancien responsable de la Kasma F.L.N est au jour d’aujourd’hui président de l’A.P.C D’EL MADANIA

Diar Echems 28 ans après !

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vingt-huit ans après

Les jeunes sont vieux !

Les vieux n’ont pas de yeux !

vingt-huit ans après

On demande à la torchère

Qui est derrière ?

vingt-huit ans pardieu !

Elle revient vous dire !

C’est vous bande de maffieux !

Fateh Agrane

21 10 2009


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