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Répression et interdiction de réunions : moyens illusoires d’étouffer le mouvement populaire
mardi 10 septembre 2019, par
La répression revêt une multitude de formes. Les chaînes de TV privées, qui ne sont pourtant pas des modèles de vecteurs des libertés démocratiques, sont mises au pas, sous peine d’étranglement sous de multiples formes. Elles ne transmettent plus en direct les images des manifestations. La chaîne publique ENTV, après quelques jours de relative liberté de couverture des événements, est de nouveau rentrée dans le rang. La situation y est pire que du temps de Bouteflika. En dehors du FLN ou du RND, partis vomis par le peuple, instruments des fraudes électorales, incubateurs de corruption, aucune autre organisation n’a droit de cité au JT. Seuls sont retransmis les propos des citoyens qui font l’éloge de Gaïd Salah et reprennent en choeur le slogan de « l’élection présidentielle dans les meilleurs délais ». Ignorés les avis contraires. Une véritable provocation contre l’aspiration du peuple à une libre expression de ses opinions sur les médias publics. La loi Bouteflika interdisant aux officiers à la retraite d’exprimer leur opinion sur les questions politiques, au nom d’une obligation de réserve qui les condamne à se taire à vie, cette loi est appliquée de façon implacable quand il s’agit d’étouffer les voix discordantes, et uniquement quand elles sont discordantes. Si c’est pour tresser des louanges aux représentants du régime, les procureurs chargés d’embastiller les contrevenants font mine de ne rien entendre. Visiblement ces interdits ont pour objectif d’empêcher le débat dans les corps concernés au nom de l’unité des rangs. Critiquer l’atteinte au droit d’un militaire retraité à s’exprimer sur les problèmes du pays ne signifie pas adhérer à son opinion. Le général Benhadid, jeté en prison à cause de sa lettre ouverte, est certainement le moins recommandable des généraux qui sont intervenus dans les débats de ces dernières années avant la loi Bouteflika. Il y a quelques années, en direct sur la chaîne du FIS, parti obscurantiste terroriste, Al Magharibia, (chaîne financée par le Qatar et émettant depuis quelques mois à partir de la France), il s’était clairement allié aux forces de l’obscurantisme et aux tenants du « Tribunal pénal international » (qu’il faut plutôt appeler Tribunal international de l’impérialisme). Il avait relancé sur ses ondes le « qui-tue-qui ? », mot d’ordre de ralliement des forces internes et externes qui s’efforçaient de porter le FIS au pouvoir.
Le débat libre présente au moins l’avantage de savoir qui veut faire quoi et dans quel camp il se range : celui des masses exploitées ou celui de leurs exploiteurs ? Il permet aux travailleurs qui cherchent à s’organiser sur des bases conscientes d’identifier leurs défenseurs, leurs alliés et leurs ennemis.
L’emprisonnement du commandant Bouregaâ doit servir, dans l’esprit de ceux qui l’ont hâtivement ordonné, de leçon à quiconque serait tenté d’émettre la moindre critique.
L’emblème amazigh a servi de prétexte pour semer l’effroi parmi les manifestants. Des dizaines de jeunes croupissent encore en prison pour l’avoir porté. On peut ne pas être d’accord avec le port de ce drapeau lors des manifestations contre le régime, on peut considérer que le brandir dans les marches actuelles donne prise à des campagnes de diversion, mais est-ce le problème ?
Les réunions des courants qui ne s’inscrivent pas dans la démarche du pouvoir ne sont pas autorisées. Comme au temps du bon vouloir des sbires de Bouteflika. Les subterfuges sont grossiers. La rencontre des partis de « l’alternative démocratique » (FFS, RCD, PT, PST, MDS, PLD, etc.) ou l’Université d’été du RAJ n’ont pu se tenir. Condamner l’interdiction honteuse faite à ses organisations de se réunir librement ne signifie nullement partager leurs conceptions idéologiques. Encore moins fermer les yeux sur les accointances de certains « activistes » avec des puissances impérialistes qui ont de notoriété publique investi beaucoup d’effort et d’argent pour se doter de réseaux internes aptes à réaliser leurs plans le moment venu. C’est exiger la liberté de débattre à coup d’arguments du contenu économique et politique de l’alternative, pour pousser les courants politiques en lice à dévoiler ouvertement la substance de classe réelle de leurs programmes, à lever le voile sur la nature des alliances intérieures et extérieures tissées pour parvenir à leurs buts. Les mesures économiques et sociales qu’ils comptent appliquer s’ils arrivaient au pouvoir, serviront-elles les couches sociales laborieuses du pays ou la bourgeoisie et le capital étranger ? C’est un des moyens d’élever le niveau de conscience et de vigilance des forces sociales qui ont le plus intérêt au maximum de libertés démocratiques : les travailleurs, la jeunesse populaire.
Il est clair comme le jour que le régime cherche à réduire au silence les courants qui rejettent l’élection présidentielle et défendent à juste titre, dans le contexte de ce vaste mouvement de masse, le mot d’ordre de refonte préalable des institutions du pays. En se présentant comme le dépositaire du serment des chouhadas et de l’intérêt national, il cherche lui aussi à esquiver les questions brûlantes sur les racines des problèmes qui angoissent les travailleurs : chômage, cherté croissante de la vie, inaccessibilité aux soins, inégalités sociales, domination de la nouvelle bourgeoisie, arbitraire patronal, etc.
Le pouvoir n’est pas en mesure d’empêcher les manifestations populaires hebdomadaires. A moins de prendre le risque de faire couler le sang. Il fait tout pour étouffer dans l’oeuf tout processus d’organisation du mouvement populaire. Le plus grave est l’amalgame qu’il fait entre ce mouvement et les actions qu’il impute aux « résidus » de la « bande », entre l’expression des revendications démocratiques des masses et l’accusation portée contre cette bande de servir « ses maîtres », de travailler contre les intérêts du pays. Il promet sans cesse de révéler au moment « opportun » les « preuves » de leur collusion mais entre temps il multiplie les insinuations tendant à déconsidérer les marcheurs et à semer la méfiance. Le seul résultat qu’il obtient est de creuser le fossé qui le sépare de l’immense majorité des citoyens. Tant qu’il n’a pas donné les preuves palpables de sa bonne foi, preuves qui ne peuvent se réduire au sacrifice de quelques oligarques et de leurs complices, la grande majorité des citoyens est décidée à en finir avec un régime qui incarne à ses yeux les intérêts d’une minorité d’oligarques enrichis pas la corruption organisée depuis les plus hauts niveaux de l’Etat jusqu’à ses plus petits démembrements locaux. Si le pouvoir table sur la diminution des effectifs des marcheurs pour croire qu’il finira par dompter le mouvement populaire, il se trompe lourdement.
Il n’y a pas d’autre alternative que la convergence entre les forces patriotiques de progrès où qu’elles se trouvent et les masses populaires. Cette convergence ne peut être scellée que sur la base de la satisfaction de leurs revendications démocratiques, de l’épuration des appareils d’Etat, de leurs aspirations à se débarrasser des inégalités sociales et du despotisme des classes sociales dominantes. Ce sera une première étape vers des changements sociaux plus radicaux.
Z. B.