Situation économique et financière du pays : sombres perspectives pour les travailleurs

dimanche 2 avril 2017
par  Alger républicain

La chute des recettes pétrolières continue à aggraver les déséquilibres de la balance commerciale et de la balance des paiements. C’est le résultat de l’absence de sérieuses mesures gouvernementales pour diminuer l’importation de biens superflus consommés par les classes possédantes et certaines dépenses d’équipement induites par le train de vie des couches sociales aisées.
L’exportation des hydrocarbures n’a rapporté au pays en 2016 que 27 milliards de dollars. A comparer aux 70 milliards de 2012 ou aux 78 milliards de 2008. Entre 2014 et 2016 les recettes tirées de l’exportation des hydrocarbures - qui représente plus de 95% du volume total des exportations - sont tombées de 58 à 27 milliards de dollars, une baisse de 53%.
Les importations ont baissé mais dans une plus faible proportion : de 58 à 47 milliards de dollars soit une baisse de seulement 19%. Cette baisse est à relativiser dans la mesure où elle résulte principalement de la baisse du cours international des produits alimentaires tandis que le gouvernement a suspendu nombre d’investissements d’infrastructures qui induisaient des importations d’équipements. Mais le train de vie des plus riches n’a pas été touché. Au contraire, compte tenu de la hausse des prix et du gel des salaires, leur part dans le revenu national a augmenté sur le dos des travailleurs [1].

La balance du commerce extérieur a en conséquence enregistré un déficit de près de 18 milliards de dollars en 2016. De son côté, le gouverneur de la Banque d’Algérie a complété ce sombre tableau en donnant des chiffres inquiétants. Les sorties nettes de devises ont atteint 30 milliards de dollars l’an dernier. Ces sorties enregistrent principalement la somme du déficit de la balance commerciale, des profits rapatriés par les sociétés étrangères en Algérie et du paiement des services. De gros profits sont amassés en particulier par les compagnies pétrolières, les banques, les opérateurs de téléphonie mobile, et de multiples entreprises spécialisées dans l’importation de biens de luxe pour les couches aisées.

Le tableau dressé par la Banque d’Algérie indique que le volume des réserves de change a donc continué à fondre. En deux ans - 2015 et 2016 - il a dégringolé de 179 à 114 milliards de dollars. Une perte de 65 milliards de dollars ! Si cette tendance n’est pas freinée, on en arrivera à contracter des dettes pour maintenir le niveau de vie insultant des classes parasitaires. Une situation que nombre de politiciens de la bourgeoisie - Benyounès par exemple - et de leurs idéologues trouvent normale et présentent comme un signe d’insertion dans les règles « normales et inévitables » de la mondialisation. Il est « normal » pour les avocats des classes parasitaires que ce soit les masses laborieuses qui payent la facture du train de vie de celles-ci

Résultante de la chute des recettes pétrolières, le produit de la fiscalité pétrolière a baissé. Cette baisse est cependant masquée par les effets mécaniques de la dépréciation du dinar - de son taux de change officiel - par rapport au dollar ou à l’euro [2]. Elle a provoqué un lourd déficit du budget de l’Etat en 2016. Selon les chiffres du ministère des Finances, il s’est élevé à plus de 2000 milliards de dinars à la fin novembre, soit l’équivalent de 30% des dépenses budgétaires. L’ampleur de ce trou est à relier aux multiples cadeaux fiscaux et des subventions accordés aux entreprises privées dont la valeur n’a pas diminué. Au contraire le gouvernement les a augmentés sous couvert d’incitation à investir pour soi-disant remplacer les importations par la production nationale. Ils ont fortement grevé les dépenses de fonctionnement de l’Etat.

Dans ce contexte alarmant quelques responsables de l’Etat commencent à s’inquiéter sérieusement. Ils n’excluent pas des explosions sociales bien qu’ils ne reconnaissent pas ouvertement. La remontée des cours pétroliers à un niveau égal ou supérieur à 100 dollars le baril, qui pourrait améliorer l’état des finances publiques n’est pas pour demain. La redistribution de miettes aux travailleurs pour neutraliser leur mécontentement devient plus difficile sans faire marcher la planche à billets.

Et la substitution de la production nationale aux importations de biens industriels n’est qu’une chimère. Cette substitution aurait pu préparer l’économie nationale à une telle situation. L’incapacité de la bourgeoisie à faire face à cette évolution prévisible, aurait dû pousser le pouvoir à s’appuyer sur le secteur public et à restaurer un minimum de planification des investissements productifs. Le refus des dirigeants, tous imprégnés par une vision de classe bourgeoise viscéralement hostile à toute idée de confier au secteur public la relance de l’industrialisation, est à l’origine de l’impasse actuelle.

Une politique de relance industrielle supposait la réhabilitation du rôle moteur du secteur public face aux carences du secteur privé intéressé par le profit facile et à court terme, dont le symbole le plus stérile est l’hypertrophie des secteurs liés au tout import. Cette réhabilitation est inconciliable avec le rejet profondément ancré dans les réflexes des classes parasitaires et de leurs représentants politiques dans le pouvoir et les institutions étatiques. De par les intérêts de classe qu’ils représentent, un choix qui rappellerait les options « socialistes » des années 1970 est un spectre épouvantable. Bien que le développement d’un secteur public industriel ne doive pas être considéré comme synonyme de socialisme, et qu’il peut stimuler l’essor du capitalisme, ils excluent catégoriquement de leurs plans son renforcement ou son maintien. La promotion de la propriété privée des moyens de production est leur dogme dût-elle condamner le pays à stagner.

Durant les 12 ans qui ont précédé la chute du cours du pétrole de 2015, le régime a refusé de mettre à profit la hausse faramineuse des recettes pétrolières pour mener une politique sérieuse de relance de l’industrialisation. Les recettes d’exportation des hydrocarbures avaient rapidement explosé dès le début des années 2000. Elles avaient bondi de 18 à 78 milliards de dollars entre 2002 et 2008, procurant au pays de gros excédent en devises. Un autre régime, émanation des aspirations des masses populaires à court et à long terme, les aurait utilisés pour investir dans l’industrie. Il ne les aurait pas dilapidés pour satisfaire les besoins des classes aisées en biens superflus dans un pays dont le développement a été sciemment sabordé depuis 1980. Les importations ont augmenté durant la même période plus vite que les exportations.

Depuis l’effondrement du prix du pétrole au milieu de 2015, le mécontentement monte au sein des classes populaires. Elles refusent avec raison de supporter une hausse des prix et du coût de la vie provoquée, au nom de l’austérité, par les choix de classe du régime. Leur opposition à une politique d’austérité dont elles sont les seules à vivre les conséquences est légitime.

Rédaction économique
02.04.17


[1On a vu par exemple le comportement scandaleux des importateurs de véhicules qui exercent un monopole de fait en réaction à la décision du gouvernement d’instaurer des quotas destinés à diminuer le nombre de véhicules importés de trois quarts. Pour maintenir leur chiffre d’affaire et leurs profits à un niveau élevé ils ont fait monter le prix des voitures dans une proportion allant parfois du simple au double. Une hausse sans commune mesure ni avec la hausse provoquée par la dépréciation du dinar ni avec l’introduction de taxe sur les véhicules.

[2Une dévaluation, ou dépréciation, provoque une hausse des prix des biens importés. Le taux de change officiel du dollar est passé entre 2014 et 2016 de 80 à 110 dinars. Cela signifie que prix en dinar d’une marchandise importée et valant un dollar passe entre ces deux dates de 80 à 110 dinars, soit une hausse de 37,5%.