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Libye : son démantèlement par l’intervention des Etats impérialistes est la vraie cause de la dévastation de la ville de Derna par le cyclone Daniel

lundi 18 septembre 2023, par Alger republicain

C’est une catastrophe épouvantable. Selon l’ONU les chiffres ne font que grimper. Au dernier recensement c’est 11 300 morts dont la plupart sont des femmes et des enfants, des milliers de blessés, plus de 10 000 disparus et ce n’est qu’un bilan provisoire. Les villes de l’Est de la Libye en particulier la ville de Derna, la plus touchée, une ville de plus de 100 000 habitants, est méconnaissable, complètement dévastée et défigurée. Venant encore aggraver ce chaos mortifère les deux barrages sur le Wadi Derna, qui retiennent les eaux de l’oued qui traverse la ville, ont cédé sous le déluge des précipitations. Des vagues géantes déferlant la pente, entraînant sur leur passage la mort de plusieurs milliers de personnes et laissant derrière elles un spectacle apocalyptique.

Ce drame épouvantable pouvait-il être évité ?

La réponse est oui, sans l’ombre d’un doute. La Libye a subi de plein fouet le passage dévastateur du cyclone Daniel par suite de son démantèlement par les puissances impérialistes, du chaos que leur intervention militaire fait régner depuis 12 ans

La responsabilité de ce désastre incombe totalement à ces puissances impérialistes, USA, Union européenne et en particulier la France de Nicolas Sarkozy, le président de la République française de l’époque qui avait décidé de liquider Kadhafi. Pas seulement pour faire disparaître toute trace de ses magouilles financières avec le président libyen Mouammar Kadhafi, mais surtout pour éliminer un chef d’Etat qui ne se soumettait pas au diktat de l’impérialisme. Le démantèlement de la Libye a été tel que personne n’a pu mener les travaux de maintenance, amorcés du temps du régime de Kadhafi des deux barrages situés en amont de la ville. Faute de travaux de rénovation, les barrages ont fini par céder et déverser leurs eaux sur la population.

Le passage du cyclone Daniel sur la Libye et son caractère dévastateur étaient prévus depuis plus d’une semaine. Il fallait évacuer les populations de la zone de son passage. La réalité était là, aucune décision n’a été prise dans ce sens.

Les responsables étaient absents. Le pays est ingouvernable depuis l’intervention des puissances impérialistes et de l’OTAN en 2011 pour renverser et exécuter son dirigeant qui dérangeait leurs intérêts. La Libye est économiquement et politiquement complètement dévastée.

Il ne fallait pas compter sur ces groupes politiques mafieux qui se sont partagé le pays et se sont constitués en pouvoirs rivaux en guerre les uns contre les autres, chacun s’auto-proclamant légitime pour mettre la main sur le plus gros morceau du gâteau.

Qui sont ces groupes politiques mafieux qui prétendent représenter la Libye ?
Ce sont des groupes politiques de la pire espèce, constitués des restes de la mafia politique libyenne qui ont collaboré avec les impérialistes dans l’agression de la Libye et pour éliminer physiquement Mouammar Kadhafi. Ils sont inféodés totalement aux puissances impérialistes et méprisent complètement le peuple libyen. Certains sont des pantins des USA, d’autres font allégeance à La France, ou à l’Arabie Saoudite et aux Emirats, d’autres encore à la Turquie, et un groupe joue la carte de la Russie, etc., tous se vendent au plus offrant. Ils ne doivent leur maintien à la tête de telle ou telle parcelle de la Libye démembrée, morcelée qu’aux calculs et aux jeux des grandes puissances impérialistes acharnées à maintenir ce grand pays pétrolier dans leur giron.
De tous les côtés, mêmes objectifs : s’accaparer des richesses du pays et imposer leur domination totale au peuple libyen.
Le pays est donc coupé en deux parties. La Libye en tant que pays uni et souverain n’existe plus.

Les pays impérialiste peuvent être satisfaits d’avoir détruit un pays qui a été florissant et prospère, où le chômage avait été résorbé. Un million et demi de travailleurs étrangers étaient employés par des entreprises libyennes et d’autres, ce qui faisait vivre des millions d’Africains sub-sahariens. Mais il échappait à la mainmise de ces pays. Ce qu’elles ne pouvaient tolérer ! Le « dictateur » Kadhafi devait donc être renversé par la force extérieure.

Qui était Kadhafi ?

Issu de l’armée, Mouammar Kadhafi avait renversé en 1969 la monarchie en prenant le pouvoir par un coup d’État sans effusion de sang. C’était un nationaliste pragmatique. Il voulait instaurer un nationalisme social.

Disciple enthousiaste du président égyptien Gamal Abdel Nasser (il a même adopté le même grade militaire, passant de capitaine à colonel après le coup d’État), Kadhafi s’est d’abord attaqué à l’héritage économique injuste de la domination étrangère.
Pour Nasser, c’était le canal de Suez. Pour Kadhafi, c’était le pétrole.
D’importantes réserves de pétrole ont été découvertes en Libye à la fin des années 1950, mais l’extraction était contrôlée par des compagnies pétrolières étrangères, qui fixaient les prix à l’avantage de leurs actionnaires et bénéficiaient d’une demi-part des revenus.
Kadhafi exige la renégociation des contrats, menaçant d’arrêter la production si les compagnies pétrolières s’y refusent. Il lance un défi mémorable aux dirigeants pétroliers étrangers en leur disant que "les gens qui ont vécu sans pétrole pendant 5 000 ans peuvent vivre sans pétrole pendant quelques années afin d’obtenir leurs droits légitimes".

Les compagnies pétrolières cèdent. La Libye, après l’Algérie, s’assure une part majoritaire des revenus de sa propre production pétrolière. D’autres nations empruntent rapidement la voie ouverte par l’Algérie et suivie par la Libye. Le pétro-boom arabe des années 1970 a commencé.

Né en 1942 de parents bédouins nomades, Mouammar Kadhafi est certainement un homme très intelligent et très entreprenant. Mais, hormis l’apprentissage du Coran et la formation militaire il n’a pas reçu d’éducation approfondie.*

Néanmoins, au début des années 1970, il entreprend de faire ses preuves en tant que philosophe politique en exposant dans son célèbre « Livre vert » une théorie appelée "troisième théorie universelle".

En 1979, il renonce au poste officiel de chef de l’État, mais demeure de facto aux commandes de la Libye avec le titre de « guide de la Révolution de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste » (ou plus simplement « guide de la Révolution » ou « frère guide. Mais passons, ce n’est pas l’objet de cet article.

Mouammar Kadhafi ne laisse pas indifférent, on peut être pour ou contre, mais on ne peut pas nier toutes les importantes réalisations économiques et sociales dans son pays. La Libye sous son règne était devenue prospère et florissante. Tout les aboyeurs de la ploutocratie occidentale le traitaient de tous les noms abjectes de leur vocabulaire nauséeux, dictateur, etc.

Mais Kadhafi était doué d’un panarabisme et d’un panafricanisme sans limite. Il avait de très grandes idées pour le développement de l’Afrique. Notamment il voulait en accord avec le président légitime de la Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo, créer une monnaie unique en remplacement du franc CFA et lancer un satellite de communication pour tous les pays africains. De nombreux pays africains et des mouvements progressistes soutenaient totalement cette décision.

Pour la France c’en était trop, c’était un projet très dangereux pour la franc Afrique, qu’il fallait empêcher coûte que coûte. Dans un premier temps, la France va organiser directement un coup d’État en Côte d’Ivoire et c’est l’armée française qui va arrêter et destituer Laurent Gbagbo pour le remettre au CPI, un tribunal international à deux vitesses, ça dépend de quel côté se trouve politiquement l’inculpé. Il s’est surpassé en arrêtant surtout des dictateurs africains. Les dirigeants des puissances impérialistes, restent impunis. L’ONU a approuvé ce coup d’État. La CÉDÉAO une organisation croupion du néocolonialisme, a félicité l’action de la France.

Pour liquider Mouammar Kadhafi c’est plus difficile. La France et les USA vont appliquer un copier-coller de l’opération des dirigeants américains en Irak. Dans un premier temps ils vont susciter une guerre civile en soutenant la révolté des islamistes baptisés « démocrates » par la grâce du sioniste BHL. Puis ils vont organiser une opération de provocation diabolique contre Kadhafi. C’est à Benghazi qu’ils vont étaler leur savoir-faire dans ce domaine. Dans la filouterie, ils sont des experts en la matière. Ils embauchent des gens pour leur faire jouer le rôle de victimes d’un bombardement en expliquant que c’est pour tourner un film. Ils vont les badigeonner au mercurochrome et les coucher un peu partout dans la ville et sur les routes en montrant des enfants, des femmes ensanglantées et d’autres scènes dans le même genre. Ils utilisent tout le tintamarre médiatique ignominieux, avec reportage sur le terrain, accusant le président de la Libye de bombarder son propre peuple, etc. Le tapage est bien orchestré. Les USA, La Grande-Bretagne et la France font convoquer le Conseil de sécurité de l’ONU. Ils font passer une résolution qui interdit l’espace aérien aux avions de l’armée libyenne. Le vrai but était en réalité d’aller bien au-delà de ses stipulations en s’octroyant le droit de bombarder les infrastructures miliaires de la Libye et son armée. Au même moment des groupes islamistes armés jusqu’aux dents prennent le contrôle du pays. Mais les médias ne les montreront pas, focalisant les caméras sur les civils recrutés pour jouer la comédie d’une révolte populaire. La suite on la connaît, le gentil Obama va envoyer ses missiles sur Tripoli et Sarkozy son aviation raser les villes tuant plusieurs milliers de civils. Ils mettent à mort en direct devant les caméras le président de la Libye Mouammar Kadhafi.

Le peuple libyen a un seul moyen pour sortir de ce désastre, c’est de mener une lutte implacable contre les mafias politiques qui ont pris le pouvoir et les puissances impérialistes qui les soutiennent. Dans ce combat, il a besoin de l’appui politique et moral de tous les peuples qui ne supportent plus les ingérences et les menaces des puissances impérialistes. Le peuple algérien ressent douloureusement les souffrances infligées au peuple libyen. C’est en aidant les forces patriotiques de ce pays à se débarrasser de la tutelle de ces puissances qu’il s’aidera lui-même dans la mise en échec de leurs manœuvres.

Lies Sahoura
18 septembre 2023

*Kadhafi n’a pas non plus acquis la culture dont il n’aurait pu s’imprégner qu’en se frottant aux débats et aux luttes politiques au contact des courants républicains progressistes. Sa seule culture politique fut celle du volontarisme appuyé sur le pouvoir enivrant que procurent le commandement militaire et les fabuleux revenus pétroliers. Il a évolué dans un contexte international où l’existence du camp socialiste créait temporairement un terreau favorable au type hybride de régime issu du renversement de la monarchie non par une révolution populaire mais par l’action d’un groupe de militaires qu’exaspérait la résistance d’un système archaïque condamné à disparaître sous les nécessités de la nouvelle époque.

Figure typique de la petite-bourgeoisie qui oscille, selon l’acuité des contradictions de classe, entre le capitalisme et le socialisme, il croit naïvement qu’il avait trouvé le moyen de passer par-dessus l’antagonisme irréductible de ces deux systèmes. Avec sa "troisième théorie universelle », ni capitalisme ni socialisme, Kadhafi est persuadé qu’il allait mettre le monde sur la voie de la révolution politique, économique et sociale et libérer partout les peuples opprimés.

Mais avant de produire sa 3ème voie il avait cependant commencé en 1971 à « l’expérimenter » à sa façon, une façon qu’il paiera chèrement des décennies plus tard et dont son pays subira les pires conséquences. Son premier « fait d’armes » dans la région fut en effet de voler au secours du général Numeyri qu’un coup d’Etat avait porté à la tête du Soudan voisin des années avant et qui était à son tour menacé par un autre coup d’Etat, devant cette fois-ci mettre fin à sa violation de la promesse d’instaurer les libertés démocratiques. Kadhafi intercepte et arraisonne l’avion dans lequel voyageaient de Londres à Khartoum un groupe d’officiers de gauche qui avait participé à la préparation du renversement de Numeyri. Il lui livre les cerveaux du coup d’Etat que son gros coup de pouce providentiel, appuyé cependant par les troupes envoyées par le président égyptien Essadate, avait fait avorter. Les officiers capturés furent pendus. Noumeyri profita de cette occasion pour arrêter et pendre aussi, sous l’accusation fallacieuse de complicité dans le coup d’Etat, le secrétaire général du PC, Abdelkhaleq Mahdjoub et celui des syndicats Chafféï. La décapitation du mouvement ouvrier, absolument étranger à cette aventure « blanquiste », de surcroît mal préparée, et de la gauche putschiste, pava le chemin de la dictature de Numeyri. Le régime féroce instauré par ce dernier sera l’incubateur d’un mouvement islamiste réactionnaire. Par effet de boomerang il finira par se propager en Libye et frapper Kadhafi 40 ans après. Soutenus conjointement par les pays impérialistes et les monarchies du Golfe, les islamistes capturent et mettent à mort Kadhafi. Ainsi, en rétablissant Numeyri dans ses fonctions de dictateur, Kadhafi avait-il directement participé à l’élimination du deuxième terme des deux systèmes antagoniques qu’il prétendait dépasser. Il ne savait pas qu’avec sa propre liquidation physique c’est le 3ème système sorti de son cerveau que l’eimpérialisme anéantira quatre décennies plus tard en le jetant dans la trappe des théories fumeuses. C’était inévitable. Au point culminant de l’exacerbation de la lutte de classe il n’y a pas de place pour les conciliateurs. Le contexte international créé par la victoire de la contre-révolution en URSS, a balayé les constructeurs petits-bourgeois de la troisième voie. En refusant de se tenir fermement du côté du socialisme ils ont indirectement contribué à cette régression historique. Kadhafi et ses adeptes se sont débarrassés du spectre du communisme dans lequel ils voyaient un obstacle à la réalisation de la 3ème voie. Ils n’auront pas le temps de comprendre qu’ils s’étaient condamnés à creuser leur propre tombe comme prix de leurs errements.