Accueil > Actualité politique internationale > Nouvelle- Calédonie : le colonialisme français n’est pas mort et il est (…)
Nouvelle- Calédonie : le colonialisme français n’est pas mort et il est toujours aussi féroce et menteur
mardi 21 mai 2024, par
En Kanaky, le colonialisme emploie toujours les mêmes méthodes de répression contre les autochtones. Tous les peuples qui ont subi ou subissent encore la domination coloniale en savent quelque chose, en particulier le peuple palestinien et le peuple sahraoui, ainsi que d’autres.
L’Algérie a été occupée par le colonialisme français pendant 132 ans. Le peuple algérien est bien placé pour comprendre la révolte des Kanaks.
Le colonialisme français persiste et signe en réaffirmant sa domination sur la Kanaky par l’envoi de 2500 à 3000 agents des forces de l’ordre pour que les Kanaks acceptent le dialogue proposé par le Premier ministre français. C’est le dialogue de la matraque et même des armes pour être sûr que les Kanaks ont bien « compris » le message. Les autorités coloniales françaises ne connaissent en guise de dialogue que la force.
Aujourd’hui les Kanaks se sont mobilisés contre une modification scélérate de la loi électorale. La nouvelle loi permet à un immigré d’obtenir la nationalité française et le droit de vote au bout de 10 ans de présence dans le pays. Cet acte en apparence « démocratique » ne relève pas de l’application du principe de la citoyenneté. La Kanaky ou Nouvelle-Calédonie en vertu du nom que la colonisation lui a donné, est une colonie inscrite dans les registres de l’ONU dans la liste des nations colonisées qui doivent bénéficier du droit à disposer d’elles-mêmes. Toute modification des lois édictées par l’autorité coloniale en vue de priver le peuple autochtone de l’exercice de ce droit contre-vient aux résolutions de l’ONU et ne peut donc être considéré que comme un acte illégal.
La loi portant sur le « dégel » du corps électoral a été adoptée à la sauvette à l’Assemblée nationale française sans consultation préalable de la communauté kanak.
Dans un tintamarre nauséeux toute la médiocratie française, a dénoncé les actes des « émeutiers » qualifiés de « délinquants », sans reconnaître que cette révolte kanak s’inscrit dans un processus de libération nationale.
Evidemment la réponse des autorités coloniale ne s’est pas faite attendre. L’arrivée d’escadrons de gendarmes et de militaires mitraillette au poing est porteuse de risques sérieux de violences de l’administration coloniale contre la population autochtone. Les Kanaks protestent contre le plan d’afflux de migrants qui les rendrait minoritaires dans le pays de leurs ancêtres et anéantirait donc leurs espoirs d’indépendance. L’Assemblée nationale française et tous les groupes politiques qui ne se sont pas libérés de la mentalité colonialiste appellent le gouvernement à rétablir l’ordre républicain. Mais pas un mot sur les aspirations du peuple kanak. Pour ces gens là, les Kanaks n’existent pas.
Dans toutes les colonisations, c’est la même politique. On ne parle pas des autochtones, on les ignore. De là à les réprimer voire à les massacrer pour qu’ils restent à leur place sans que personne ne trouve à y redire, il y a un pas que les ultra de toujours n’hésitent pas à franchir.
En Palestine c’est la même chose. Les Palestiniens n’existent pas, on combat des « terroristes ». Et toute la faune imprégnée de l’esprit colonialiste le répète en chœur : il n’y a pas de répression mais une lutte antiterroriste.
Pour le peuple kanak, ce qui se passe aujourd’hui n’est qu’un épisode de la répression de la colonisation française.
La colonisation de la Kanaky ne s’est pas faite sur un coup de tête. Voici une déclaration qui ne trompe personne : celle du ministre français, Pierre Mesmer qui va enfoncer le clou et en donner le contenu. Alors Premier ministre, il écrit le 19 juillet 1972 à son secrétaire d’État aux DOM-TOM, car il veut coloniser la Nouvelle-Calédonie.
Pour lui : « les Kanaks, qui peuplent cet archipel depuis près de 5 000 ans, c’est moins que rien, ils n’existent pas. Où plutôt ils ne sont là que pour se révolter. À court et moyen terme, l’immigration massive de citoyens français métropolitains ou originaires des départements d’outre-mer (Réunion) devrait permettre d’éviter ce danger en maintenant et en améliorant le rapport numérique des communautés. À long terme, la revendication nationaliste autochtone ne sera évitée que si les communautés non originaires du Pacifique représentent une masse démographique majoritaire. Il va de soi qu’on n’obtiendra aucun effet démographique à long terme sans immigration systématique de femmes et d’enfants. Afin de corriger le déséquilibre des sexes dans la population non autochtone, il conviendrait sans doute de faire réserver des emplois aux immigrants dans les entreprises privées. Le principe idéal serait que tout emploi pouvant être occupé par une femme soit réservé aux femmes (secrétariat, commerce, mécanographie. Il faut donc saisir cette chance ultime de créer un pays francophone supplémentaire. La présence française en Calédonie ne peut être menacée, sauf guerre mondiale, que par une revendication nationaliste des populations autochtones appuyées par quelques alliés éventuels dans d’autres communautés ethniques venant du Pacifique. Les conditions sont réunies pour que la Nouvelle Calédonie soit dans vingt ans un petit territoire français prospère comparable au Luxembourg et représentant évidemment, dans le vide du Pacifique, bien plus que le Luxembourg en Europe. Le succès de cette entreprise indispensable au maintien de positions françaises à l’est de Suez dépend, entre autres conditions, de notre aptitude à réussir enfin, après tant d’échecs dans notre Histoire, une opération de peuplement outre-mer. »
Tout est dit dans ce texte d’une limpidité cynique. Toutes les manoeuvres politiques qui se jouent depuis des décennies autour de la question kanak s’inscrivent dans la stricte application de ce plan.
Inutile donc de faire un dessin. C’était et c’est encore bien une entreprise de colonisation de la Kanaky avec toutes ses conséquences. Cette déclaration a été faite longtemps après le début de la colonisation.
C’est à partir de 1853 que la Kanaky est proclamée colonie française et prend le nom de Nouvelle-Calédonie. Dès le début, la Kanaky est devenue un bagne des plus sordides, où on déportait les prisonniers politiques en général, et en particulier, plusieurs milliers de communards et des Algériens issus de la révolte de Mokrani, Louise Michel une figure emblématique de la commune de Paris surnommée le louve rouge qui prendra fait et cause pour le peuple kanak et bien sûr d’autres militants politique gênant pour le pouvoir. Ce sinistre endroit va durer de 1864 à 1931. Plus de cent mille détenus sont passés par cet enfer et très peu d’entre eux ont survécu. La Révolution française non seulement n’a pas dénoncé la colonisation de la Kanaky, elle n’ pas non plus fermé cet abominable enfer de traitement d’être humains.
Les Kanaks vont se rebeller et mener des actions violentes contre les occupants français. Dès le début, les autorités coloniales françaises ont encouragé des vagues d’immigrations successives pour rendre minoritaire les Kanaks, les déposséder de leur terre ancestrale et installer les migrants venus d’ailleurs.
Donc l’idée de faire venir de nombreux migrants a bien été décidée dès le début de la colonisation. Le colonialisme français va agir comme en Algérie, il va déclencher une répression des plus terrible pour mater une révolte de Kanaks en 1878 qui se solda par plus de 1600 morts et plus de 1500 déportés soit au total 7% de la population kanak. Malgré cette tuerie abominable, les révoltes kanaks ne vont pas s’arrêter, bien au contraire, elles vont se renforcer. Pour contre-carrer ces actions kanaks, la colonisation française va accentuer une immigration de masse.
Comme en Algérie, le colonialisme français a fait venir des centaines de milliers d’immigrés. On les a appelés les pieds-noirs. Les colonialistes les ont manipulés et formatés pour en faire une force politique chargée de contrer la résistance algérienne. Ils ont propagé une politique raciste exacerbée contre les Arabes traités de tous les qualificatifs abjects, bico, bougnoule, raton, etc. Ce fut un échec cuisant du colonialisme français.
La colonisation continue de plus belle. En 1887 comme en Algérie application du code de l’Indigénat. L’Etat français se proclame propriétaire de la majorité des terres et les attribue aux colons. Les Kanaks sont cantonnés dans des réserves et progressivement dépossédés de leurs terres. En 1901 ils ne possèdent plus que 13% de la superficie initiale.
Les colonialistes n’ont pas hésité à franchir toutes les frontières de l’ignominie lors de la honteuse « Exposition coloniale » de Paris de 1931. Des Kanaks sont exposés dans des cages ! C’est dire l’état d’esprit de ces gens qui gouvernaient l’archipel à cette époque.
Dans le domaine économique c’est encore pire, 90 % des richesses locales sont entre les mains des colons et des milieux d’affaires métropolitains, avec toutes les conséquences sociales que cela entraîne : de très profondes inégalités et la pauvreté de masse qui frappe les Kanaks. Elle est deux fois plus élevée qu’en France, tandis que les prix des produits de base gonflent, 34 % de plus qu’en France. Le chômage est massif et les Kanaks sont dans un état lamentable d’insécurité alimentaire et de pauvreté endémique.
La découverte du nickel a encore accentué la mainmise de la colonisation et l’exploitation terrible des ouvriers kanaks. Le pillage des richesses va prendre des proportions inégalées.
Le massacre de la grotte d’Ouvéa : un événement important qui a changé radicalement les rapports entre les Kanaks et l’occupant
Le colonialisme français, c’est le plus rapace et barbare des colonisateurs. Il exerce sans pitié une violence inouïe contre les populations autochtones. De nombreux massacres (celui de 1878-1879) perpétrés par la colonisation, jonchent le bilan de l’occupation. En particulier celui du 5 mai 1988, le terrible massacre de la grotte d’Ouvéa où une centaine de Kanaks ont été exécutés froidement par balle dans la tête par l’armée d’occupation française. Et l’assassinat systématique de nombreux dirigeants kanaks. Éloi Machoro et Jean Marie Djibaou et d’autres en sont les symboles. C’est une grande partie de la direction kanak qui est éliminée, sans cependant de résultats probants. C’était une pratique courante. La gauche « socialiste » française était au pouvoir.
A la suite des terribles évènements de la grotte d’Ouvéa, les dirigeants kanaks ont accepté de négocier avec les autorités coloniales de la France. Un accord a été conclu. Il devait conduire au changement de statut de l’Île avec en perspective l’indépendance de la Kanaky. Le contenu principal de ces accords a consisté à prévoir l’organisation de trois référendums sur l’indépendance de la Kanaky. Les électeurs doivent répondre par oui ou par no à l’Indépendance. Les Kanaks encore une fois vont se faire rouler dans la farine. C’était un mauvais accord et un piège pour les Kanaks puisqu’ils ne pouvaient pas obtenir l’indépendance en étant minoritaire suite aux magouilles électorales.
Ainsi le premier de ces référendums est organisé le 4 novembre 2018, le second le 4 octobre 2020, le non a l’indépendance est sorti majoritaire et le troisième le 12 décembre 2021. Ce dernier référendum fut particulièrement marqué par l’abstention (56%), les indépendantistes ayant appelé au boycott en raison d’un désaccord sur la date du scrutin, Il s’agit pour les habitants de déterminer le futur statut institutionnel de l’île. Les Kanaks ont senti la manoeuvre. À ces dates, les citoyens néo-calédoniens et les résidents du territoire ont été appelés à se prononcer par oui ou par non à la question : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ». Les colonialistes étaient sûrs du résultat, c’est-à-dire non à l’indépendance. Le colonialisme français c’est Machiavel et Compagnie.
Encore une fois et comme elle en a l’habitude, c’est la social-démocratie, la gauche non communiste, qui va essayer de saborder ces accords qu’elle a signés.
En Algérie il y avait eu le précédent de 1956. Le socialiste Guy Mollet avait prétendu venir y faire la paix. Les tomates jetées sur sa figure par les ultra ont suffi pour le transformer en agent enragé d’une répression féroce contre le peuple algérien .
Plus de 30 ans après, les dirigeants socialistes feront adopter des lois qui favorisent la venue dans l’Île de migrants de Walis et Foutouna et de Polynésie et les faire Français à part entière avec possibilité de participer aux référendums pour rendre les Kanaks minoritaires dans leur propre pays.
C’est une justification terrible de l’apartheid, du racisme, de la spoliation, du pillage, de la répression, des exactions, des assassinats que les Kanaks ont dû subir sur leur terre ancestrale par les colonialistes français.
Malgré cette terrible répression, le le peuple kanak n’a pu être dompté. Bien au contraire, les partisans de l’indépendance se renforcent. Des mouvements indépendantistes ont vu le jour et surtout la création du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) qui rassemble en son sein la plupart des mouvements indépendantistes.
Ce qu’il se passe aujourd’hui, c’est une action des Kanaks dans leur combat pour la libération nationale de la Kanaky. Ce ne sont pas des émeutiers. Ils en ont assez de 177 ans d’occupation coloniale. La médiocratie qui présente ces événements comme des actes de vandalisme injustifiés devant être punis par la loi se trompe une fois de plus lourdement.
Visiblement les nostalgiques de la colonisation n’ont toujours pas assimilé les leçons de l’histoire des peuples en lutte contre le colonialisme. Les guerres d’Indochine et d’Algérie ont montré que les aspirations des peuples dominés à arracher leur indépendance sont irrépressibles.
L’intérêt de la population laborieuse non kanak est de vivre en paix avec les Kanaks en acceptant que leurs revendications nationales, économiques et sociales soient satisfaites. La seule alternative pacifique est qu’ils se mettent du côté des Kanaks et défendent leur juste cause.
Les non Kanaks devrait méditer les leçons de l’histoire des guerres de décolonisation de façon à éviter de se laisser manipuler par la petite minorité qui domine la Nouvelle-Calédonie et par la grande bourgeoisie française qui prend appui sur toutes les possessions héritées du passé pour obtenir sa part dans le nouveau partage du monde.
Seule une toute petite minorité de gros exploiteurs trouve intérêt dans la perpétuation du déni de la question nationale kanak. Seuls les impérialistes cherchent à envenimer la situation pour maintenir leur contrôle absolu sur l’Île. La Nouvelle-Calédonie représente un gros enjeu géo-stratégique pour l’oligarchie financière française et ses alliés. A l’arrière plan se profile la perspective d’un affrontement militaire avec ses rivaux dans cette région du Pacifique, comme c’est le cas en ce moment en Ukraine.
Lies Sahoura